Si comme moi New History Warfare Vol 2 vous avait soufflé en 2011, il ne faudrait pas manquer cet EP passé un peu inaperçu contrairement à son nouvel album. Un peu de présentation quand même au cas où des non initiés me liraient : ce colosse est sûrement le joueur d'instruments à anche le plus connu de la scène indé. Un magicien du saxophone basse réputé pour sa maîtrise parfaite de la respiration circulaire et sa capacité à sortir les sons les plus improbables avec un jeu très physique. Une technique qui lui a permis de collaborer avec de gros noms de la scène (GY!BE, Arcade Fire, TV on the Radio, The National, et surtout Bon Iver qui chante parfois sur ses compositions - pour ne citer qu'eux) ou des icônes aussi variées que Tom Waits, Anthony Braxton et Laurie Anderson qui vient parler – évidemment – sur "Vol II : Judges". Par exemple là : http://www.youtube.com/watch?v=9hQG8O982J0, c'est bibi.
A noter qu'il enregistre la partie instrumentale sans overdub à proprement parler : une seule prise mais avec une panoplie de micros disposés un peu partout sur le saxo ce qui lui permet d'avoir une palette sonore dense et diverse avec la résonance et les sons parasites, et même une percussion en tapotant ou forçant sur ses clés. Le tout étant post produit avec Ben Frost.
Forcément ce n'est pas la musique la plus accessible et mélodieuse (mon père aura rapidement fait des remarques à base d'éléphants et de sirènes de pompier) mais pour de l'avant garde c'est quand même abordable et pas élitiste pour un sou – tout passe par les textures renversantes.
Cet EP, c'est avant tout sa piste éponyme, peut-être la pièce la plus nuancée, rythmée et spirituelle de son catalogue grâce à une voix (intérieure ou extérieure, je ne sais pas) très chorale, là où la plupart de ses morceaux font intervenir un discours, un chant ou des cris à la fois viscéraux et pas vraiment humains. D'entrée, il y a une superbe alternance entre le tumulte chaotique du saxophone et la fluidité de la mélodie synchronisé à la percussion dans les premières minutes. Elle constitue pour moi sa sainte trinité avec Judges et To see more light.
L'autre morceau, de 10 minutes aussi, est plus direct et répétitif. De la sorte qu'on pense aux motifs d'un musicien comme Philip Glass (particulièrement « The Grid » sur la BO de Koyaanisqatsi sur le premier mouvement). La formule est peut être un peu trop limitée et agressive pour atteindre son niveau mais reste bluffante. Comme l'ensemble de l'oeuvre du bonhomme.