Un Soleil dans la Pluie, ce pourrait être l’instantané des états d’âme d’un ancien voyou reconverti en poète. Et cette antithèse en guise de titre de ce premier album solo (Olivier Depardon a été membre du groupe hardcore Virago) semble un excellent choix tant le disque est zébré de riches contrastes. Contraste entre l’apparente tranquillité des mélodies et leur tension interne, contraste entre la rudesse des intonations du chanteur (d’aucuns diraient qu’elles sont mornes) et la beauté irradiante de ses paroles. Un Soleil dans la Pluie, un disque insolite qui se nourrit de familiarité et d’étrangeté.
Ce qui frappe d’emblée c’est ce désabusement total dans le phrasé. D’ailleurs pour être franc, Olivier Depardon ne chante pas, il débite ses mots avec une rage froide, qu’il évoque un amour éclairé (« Dans tes Yeux ») ou une schizophrénie étouffante (« Je Suis »). Il y a dans cet accent provocateur, qui semble nous dire « va te faire foutre » à la moindre phrase, une parenté avec le timbre teigneux que l’on retrouve souvent dans le rap. Le français inscrit ses textes et la façon de les dire dans une forme d’urbanité sombre. Il écrit comme certains taguent les murs. Le sens est souvent abscons (« Il faut que je te dise, il faut que je te vise »), mi-agressif, mi-pacifique. Mais ses mots savent aussi se montrer lumineux (« Il y a dans tes mains une force tant apaisante, quelque chose qui rassure et qui fait le lien ») et cette lumière ressort d’autant mieux qu’elle est en contraste avec la rugosité du ton adopté par Depardon.
Cette apparente âpreté on la retrouve dans la simplicité formelle des chansons, qui reposent sur quelques accords, quelques arpèges seulement. Mais l’atmosphère tendue, et les sons de guitare, superbes, sont suffisamment travaillés pour que la question de la prévisibilité soit rapidement éludée. Comme pour les textes, le plus important reste la force intérieure. Ainsi, au premier abord les instrumentaux d’Un Soleil dans la Pluie peuvent sembler trop évidents, mais en réalité elles construisent leur belle singularité sur des détails. Des chœurs gutturaux sur « En Mission », vocodés sur « Dans tes Yeux », et qui créent la surprise. Un solo d’harmonica émouvant et qui nous fait changer de continent sur « De Bonne Heure » ou une section rythmique qui bastonne comme dans le bon vieux temps sur « Dans l’Objectif »… Depardon se montre un maître en matière d’arrangements un peu inattendus et séduisants.
De prime abord, Olivier Depardon peut donc passer pour le mauvais garçon aux compositions un peu rudimentaires. C’est pourtant définitivement quelqu’un de plus complexe. Clairement, le propos, tant musical que textuel, s’est adouci depuis Virago, et le chanteur semble désormais plus enclin à faire éclater une forme de lumière sombre, pour reprendre la figure de style d’Un Soleil dans la Pluie. Il n’en reste pas moins que ses racines, profondément ancrées dans une terre dure et âpre, sont toujours bien présentes. Pour peu qu’on prenne le temps d’apprivoiser ces alliances contre-nature, le résultat est étonnamment convaincant.