Voices in My Head (EP) par Benoit Baylé
Nostalgique ne devrait pas signifier désuet. Pourtant, de désuétude, Out Of Myself en est l’incarnation première. Compréhensible mais démesurée, la vénération quasi-systématique du premier album de Riverside en tant que joyau progressif venu de nulle part a de quoi faire sourire : si « The Same River » aura certainement convaincu le plus chevronné et réticent des progressistes acharnés, le reste de l’album déçoit, d’abord à cause des synthétiseurs que l’on croirait tout droit sortis des pires démos du Dream Theater des années 90 – l’archaïque absolu, surtout en 2003 : Porcupine Tree a déjà publié In Absentia - ensuite pour un certain mauvais goût lié aux sonorités guitaristiques, soli et accords distordus réunis. Malgré ces quelques défauts, le chanteur Mariusz Duda affichait déjà de solides compétences en tant que parolier et interprète, surtout pour l’art de la ballade (« In Two Minds »), mais aussi en tant que bassiste méritant, presque chevaleresque. Avec l’EP Voices In My Head paru deux ans plus tard, Riverside délaisse ses distorsions pour se consacrer pleinement aux chansons pop et aux courtes ballades.
L’exercice est compliqué. Dans le cas de Riverside, il faut savoir jouer d’une mélancolie subtile en évitant absolument toute mélodie tristement saccharinée. Or, au sein de cet EP, les deux se côtoient dangereusement : le meilleur, « The Time I Was Daydreaming » précède le plus mauvais, « Stuck Between ». La première, sensible, intimiste, touchante voire bouleversante, contraste radicalement avec la boîte à rythmes affreuse, le chant inintéressant et la guitare superflue de la seconde. En compagnie d’Isabelle Boulay, du meilleur des Enfoirés ou de Patrick Fiori au sein d’une compilation du pire de la variété dégoulinante, « Stuck Between » ne dépareillerait pas… Heureusement, il s’agit de la seule réelle faute de goût de l’album, malgré l’anecdotique « Us ». « DNA Ts. Rednum Or F. Raf » et son ambiance trip-hop séduit : la ligne de basse, latente et menaçante, entraîne le morceau au rang des vrais bons morceaux de rock progressif.
Les trois live en clôture de l’album n’apportent guère au schmilblick et n’ont aucune utilité, si ce n’est celle d’ôter subrepticement toute impression de s’être fait légèrement arnaquer lors de l’achat de l’EP… Car finalement, sur les 8 morceaux proposés, seuls deux retiendront l’attention : « The Time I Was Daydreaming » et « DNA Ts. Rednum Or F. Raf ». Heureusement, le second et bien nommé album de Riverside, Second Life Syndrome paraît la même année.