Manager : Salut Béa. J’ai bien reçu ta nouvelle maquette de Workaround et je ne vais pas y aller par quatre chemins. Il va vraiment falloir bullshitter pour vendre ça au public.
Béatrice Dillon : Non mais attends, je ne comprends pas, il y a tout un concept dans cet album. J’ai demandé à pas mal de mes contacts comme la violoncelliste Lucy Railton ou les producteurs électro Batu et Untold de m’envoyer des démos. Puis je les ai complètement détruites afin d’en extirper des fragments ici et là avec l’objectif de les recontextualiser dans les morceaux de mon album.
Manager : Pas de charabia avec moi poulette, on n’est pas à ton vernissage là. Les gens - dans le vrai monde - aiment apprécier un minimum ce qu’ils achètent et là ton album est froid comme la mort. Pour tout te dire, ca fait 3 fois que je me le tape pour essayer d’en dégager quelque chose de positif et à part des petits segments de quelques secondes ici et là comme la partie jazzy du morceau “Workaround”, je n’en retiens rien.
Je pense qu’on peut quand meme s’en sortir à condition de pondre un concept béton pour donner l’illusion d’un minimum de cohérence. Tu m’as dis que tes morceaux étaient tous à 150bpm ? On pourrait essayé d’expliquer qu’il en est ainsi de sorte a ce qu’ils ressemblent moins à des compositions autonomes qu'à des variations d’un seul thème global blablabla”.
Bref, on développe ca en 5000 signes dans une Presse Release qu’on envoie a tous les medias dominant dans le milieu tel que Resident Advisor, Pitchfork, Uncut, ou encore The Guardian. Comme ca on coupe l’herbe sous le pied des journalistes qui n’auront d’autre choix que de s'appuyer dessus et de crier “oh génie” dans le doute de passer pour des cons envers leurs compères si ils n’aiment pas ton album. Et avec un peu de chance on s’en sortira peut être avec un metascore aux alentours de 90 sur 100.
Béatrice Dillon : Okay patron ca roule. D’ailleurs ca me fait penser que l’autre fois j’étais à un vernissage super sympa d’un artiste allemand - Thomas Ruff - qui réalise des photos avec une prise virtuelle… un phonogramme à l’ancienne sans appareil photo ou quelque chose comme ca…. Bref, je n’aime pas spécialement ses photos mais ses rendu prennent plus de 2000 heures et il vend ca comme des petits pains.
Ca pourrait être intéressant de lui demander de collaborer sur la jaquette de l’album. Comme ca on rajoute un peu de complexité à “ma démarche” et on perd pour de bon les quelques journalistes détracteurs qui émettraient encore des doutes.
Manager : Okay ca me va. J’te kiss poulette, TTYL.
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Blague à part et aux vues des critiques surprenamment très similaires et positives de l’album sur le web, je précise que je me suis tout de meme fêlé de 3 écoutes avant de me décider à écrire ce semblant de review. Car bien évidemment, il y a des choses qui fonctionnent dans cet album et il est flagrant qu’il y a eu beaucoup de travail de fait. Mais une démarche artistique, aussi complexe et réfléchis soit-elle, n’a que très peu d’impact sur la qualité d’un album si ce dernier reste ennuyeux à l’écoute. Et c’est en tout cas mon ressenti pour “Workaround”. Des pistes interessantes qui auraient du rester au niveau de l’expérimentation de studio ou en background d’une exposition mais qui ne tiennent pas la distance en tant qu’album. Je n’ai éprouvé aucun plaisir pendant mes écoutes et je n’ai donc aucune raison d'y retourner.