Un gros coup

Puisque les ROLLING STONES tardent à sortir le successeur de Blue & Lonesome (2016), intéressons-nous à leur dernier album constitué de chansons originales, à savoir A Bigger Bang. Celui-ci est le fruit d’une belle complicité entre Mick JAGGER et Keith RICHARDS qui retrouvent ainsi une certaine simplicité dans leurs compositions. En l’absence de Charlie WATTS (convalescent après un cancer de la gorge), de Ron WOOD (en cure de désintoxication) et de Darryl JONES, les deux compères jouent de tous les instruments lors de la première phase de l’enregistrement, et certaines de leurs prestations seront conservées dans les versions définitives des morceaux.

A noter que pour une fois, la pochette (sans nom ni titre dessus) est plutôt réussie. Ce 22ème opus – qui contient seize titres – est presque un double album :

1. Les STONES débutent fort avec Rough Justice, un rock de très bonne facture qui part d’un riff comme Keith sait les concocter. Les paroles s’adressent à une ancienne girlfriend, ou une épouse, qui est passée du stade de maîtresse attentionnée à celui de femme dévoreuse… Bon solo de Ronnie à la guitare slide.




2. Let Me Down Slow fait allusion à une brève liaison entre Keith et Marianne FAITHFULL. Mick implore sa fiancée de le laisser tomber en douceur (!) Les guitares sont très présentes sur ce morceau : Mick et Keith démarrent sur un rythme soutenu tandis que Ron intervient une nouvelle fois à la slide. Avec son motif entêtant, le refrain est une belle réussite.




3. It Won’t Take Long to forget you / Time it passes fast. Les femmes (en tout cas certaines) et le temps qui passe sont les sujets de cette chanson. Keith apporte une petite variation au riff habituel tandis que Charlie se distingue, notamment à la caisse claire. Le solo de Ron est correct sur cette piste de bonne qualité mais sans plus.




4. Rain Fall Down est un retour à la dance music avec laquelle les STONES flirtent depuis Black And Blue. Mick est l’homme-orchestre de ce titre : auteur (il évoque sa bonne ville de Londres), compositeur, guitariste (avec un bon riff funky), aux claviers et à la programmation, sans parler de son excellente prestation vocale. A noter qu’il existe une version remixée par Will.i.am des BLACK EYED PEAS.




5. Superbe ballade, Streets Of Love évoque le mea culpa d’un ex-amant à l’égard d’une femme envers laquelle il s’est mal conduit. Il pourrait s’agir de Mick vis-à-vis de Jerry HALL. La chanson a la qualité d’un tube. Le refrain est très accrocheur, JAGGER chante avec émotion. Streets Of Love sortira d’ailleurs en single (avec Rough Justice en double face A).




6. Back Of My Hand est un blues écrit et presque intégralement interprété par Mick JAGGER. Celui-ci joue notamment de la guitare slide et de la basse pour la première fois tandis que Keith (à la guitare rythmique) et Charlie (à la grosse caisse) l’accompagnent.




7. Avec She Saw Me Coming, Mick met en scène une femme qui lui en fait voir de toutes les couleurs… il s’agit d’un rock mid-tempo dont on retient facilement le refrain – si souvent scandé. Keith joue le principal riff du morceau, secondé par Ronnie (également lead guitar). La voix de Mick est soutenue par l’excellent Blondie CHAPLIN.




8. Une fois de plus sur cet album, Mick est l’auteur-compositeur de cette jolie ballade teintée de country. Avec Biggest Mistake, il souhaite se libérer d’un poids (sa rupture avec Jerry HALL), exprime sa fragilité (!) et ses regrets. Malgré l’intensité du texte, l’ambiance reste légère. Sortie en single.




9. This Place Is Empty (…) whitout you est une chanson d’amour écrite et interprétée par Keith RICHARDS pour sa femme Patti HANSEN. Il l’a composée à la guitare acoustique, avant de l’enregistrer au piano. Entre blues, jazz et country, c’est un des plus beaux titres chantés par Keith.




10. Cinquième morceau rock de l’album, Oh No, Not You Again exprime encore l’humour misogyne de Mick JAGGER. . La batterie de Charlie – à la sonorité garage band – est bien soutenue par la basse puissante et rythmée de Darryl JONES. Cette piste n’est pas un chef-d’œuvre mais elle fonctionne bien.




11. Dangerous Beauty dénonce les dérives (euphémisme) de l’armée américaine sur des prisonniers irakiens en 2003, en particulier les sévices pratiqués par la dangereuse beauté Lynndie ENGLAND. Seuls les 3 Stones originels participent à la réalisation de ce rock porté par un riff agressif et puissant.




12. Laugh, I Nearly Died parce qu’une rupture amoureuse a conduit le malheureux narrateur sur les routes du monde, au péril de sa vie… Darryl tient la basse. Tempo lent, atmosphère gospel (au niveau des cœurs), ce titre est une réussite.




13. Dans la lignée de Dangerous Beauty, Sweet Neo Con s’attaque à l’Administration BUSH, et notamment aux conseillers néoconservateurs du président américain. Il s’agit d’une sorte de rock médium aux accents funk que Mick, Keith et Charlie enregistrent tous les trois.




14. Look What The Cat Dragged In, littéralement regarde ce que le chat a ramené, est une expression anglaise signifiant que celui qui pointe son nez est en piteux état. C’est précisément ce que reproche le narrateur de la chanson à sa girlfriend, qui a manifestement des velléités d’indépendance… À mi-chemin entre la dance et le rock, le morceau débute par un premier riff hargneux, très inspiré du tube d’INXS Need You Tonight. Woodie contribue à la bonne tenue de ce titre nerveux avec deux excellents solos (2’34 et 3’07).




15. Driving Too Fast : un couple roule à tombeau ouvert tandis que les éléments se déchaînent autour d’eux, risquant l’accident fatal à chaque instant… Malgré Charlie qui mène le tempo avec vigueur, ce rock (jamais joué en concert) n’apporte rien de très nouveau.




16. Deuxième titre de l’album chanté par Keith, Infamy témoigne de sa complicité avec Mick. Accompagnés par la batterie de Charlie, les Glimmer Twins assurent toutes les parties instrumentales de ce morceau. Pas mal.

Si on considère A Bigger Bang comme un album classique de 12 titres (et non pas comme un pseudo double – plusieurs morceaux sont dispensables), alors ce disque est très bon.

En tout cas 3 choses caractérisent cet opus : sa réalisation par les Glimmer Twins qui jouent de tous les instruments (sauf la batterie et la basse sur certains morceaux) / les textes qui – pour la plupart – tournent autour des femmes / le niveau tout à fait honorable atteint par Mick JAGGER à la guitare.