On ne savait plus trop quoi attendre de Van Halen, dont le dernier album en date a 14 ans et s'intitulait « Van Halen III » : il s'agissait déjà d'un come back, avec la volonté de s'inscrire dans le sillon de deux des meilleurs disques du groupe, et ce come back était plutôt décevant. Du coup quand débarque ce « Differend Kind of Truth », toutes les interrogations sont permises : est-il question d'une réorientation, d'un nouveau départ, ou bien d'un bon vieux skeud de hard à l'ancienne ? Hé bien, un peu des deux. Le disque est dense, 50 minutes pour 13 titres, la pochette évoque le « Black Ice » d'AC-DC et son « Rock'n'roll Train », des doutes sont d'emblée permis. Quant au line-up, on retrouve le noyau dur du groupe : les frères Van Halen et David Lee Roth, ainsi qu'un petit nouveau à la basse, un certain Wolfgang Van Halen, fils d'Eddie. Non, vous ne rêvez pas. Globalement, la direction prise essaie, assez maladroitement, de conjuguer une production et un son résolument moderne (donc plus gonflé à l'esbroufe et plus rapide) avec les bonnes vieilles recettes hard, glam et soli furieux en tapping. Double problème : il y a du bon et du mauvais dans l'album, et dans les tendances de la nouvelle direction prise. A blâmer, un manque notoire d'inspiration qui rend le temps bien long, surtout dans le milieu de l'album. Décryptage.
Parmi les morceaux réussis d'inspiration « traditionnelle », citons le titre inaugural, l'excellent « Tattoo », au refrain accrocheur et entêtant, et aux forts relents de hard glam. Presque tout fonctionne dans ce titre assez jouissif où l'on entend même David s'étrangler de rire sur le refrain final. Mais pourquoi diable cette bonne vieille recette réactualisée par les moyens actuels ne fonctionne pas sur un morceau comme « Blood and Fire », dont même le titre est inintéressant ? Ici, au contraire, tout semble dépassé, voire ringard, à commencer par le chant. C'est une des faiblesses récurrentes de l'album : David Lee Roth n'a plus sa voix d'antan et se retranche dans une voix vaguement rocailleuse faute de pouvoir atteindre les aigus avec l'aisance d'autrefois – c'est dommage. Autre inconvénient, les soli de guitare : c'est triste, mais on peine à en sortir un de la masse, tous se ressemblent et paraissent nous crier le manque d'originalité manifeste dont faire preuve le groupe. Comme s'il suffisait d'aligner la même structure à deux variantes près sur tous les morceaux. Ainsi, de « China Town » à « Bullethead », et ce malgré l'énergie et la production gonflées à bloc, on s'ennuie ferme.
Ne soyons pas si négatifs, car il y a tout de même du bon dans cet album. « As if », démarre sur une voix un peu démeurée qui lance sur un « one two three four » des riffs d'une lourdeur inattendue chez Van Halen, puis envoie un tempo carrément déchaînée. Il s'agit d'un des titres les plus longs et les plus réussis de l'album, qui trouve son équilibre plutôt au delà des 4 minutes qu'en deçà des 3 (à l'exception du réjouissant « She's the Woman »). De ce « As if », on appréciera surtout la variété et les ruptures de ton et de style, puisque le morceau s'autorise un pont presque rockabilly et parlé ! Les morceaux qui s'affirment le plus « modernes » ne sont pas inintéressants, même si pas forcément réussis. Le mot d'ordre est au durcissement du ton, pour un son qui lorgne plus vers le metal que le hard rock classique. En témoignent le riffing sur « Honeybabysweetiedoll », titre bancal s'il en est, puisque ses parties instrumentales sont aussi réussies que son refrain déçoit. Globalement la deuxième partie de l'album est plus lourde, plus moderne, et propose de nouvelles pistes musicales pour le groupe. Dommage que les titres se suivent, se ressemblent, et ennuient un peu, la faute à des structures et des refrains sans invention. La fin de l'album se traîne ainsi en longueur, malgré le nerveux « Outta Space », titre le plus court de l'album. Non, soyons justes : ce nouvel album nous livre une dernière pépite, ou du moins curiosité, en la présence de ce « Stay Frosty », qui démarre sur des accents country-pop plutôt étonnants, puis les riffs débarquent et emmènent le morceau dans une autre dimension où les mots plaisir et déconnade ont enfin leur place. C'est ça que doit explorer le groupe à l'avenir : le plaisir pur et sans concessions, qui se communique et se partage avec l'auditeur.
Bilan, sur 13 titres, un tiers sortent du lot, un tiers sont du pur remplissage et un dernier tiers sont de bons titres sans plus. Globalement, l'album démontre que c'est en s'affranchissant de son parcours musical balisé que Van Halen livre ses plus belles fulgurances dans un disque au final assez contrasté et que l'on peine à finir avec passion.