Drôle de vision, suite et fin.

Doc Gynéco chantait déjà en 1996 Classez-moi dans la variet' mais depuis, peu l'on suivit et souvent une impasse sur la créativité et la qualité était de mise. Voilà que 22 ans plus tard PNL publie À l'Ammoniaque dans une hype énorme et redéfinit une nouvelle fois les contours du rap-jeu français. 


Aucune sortie depuis deux ans et après une tournée magistrale, PNL revient dans le game pour terminer ce qu'il a commencé : une révolution. Celle-ci a débuté il y a de cela 3ans, en 2015, avec la sortie de Que la famille, premier effort victorieux de la fratrie. Cet opus annonce l'arrivée tonitruante du duo dans le paysage rap français. Si en 2018, quand sort À l'Ammoniaque, il est toujours question de la famille, d'argent, de lune et de démons il en retourne surtout d'une proposition singulière et innovante.

La prod minimaliste sonne familière tant Luz de Luna peut être le prélude à ce nouvel enregistrement. C'est la première fois que le groupe prend autant de temps entre deux projets et ressort du four avec ce qui ressemble à la version finale du style PNL. Si le projet QLF pouvait briller par son côté purement street à certains moments, ici la rue laisse (presque) totalement place au désert dans la te-tê. Les derniers vers de Jusqu'au dernier gramme nous mettaient déjà au parfum : « Et plus je monte plus j'ai mal ». L'ascension des deux frères les mène donc ici, aux frontières les plus lointaines du style, au carrefour entre chanson et rap. Si cela a déjà pu être fait, aucun n'a trouvé le succès populaire provoqué par PNL et surtout aucun n'est allé aussi loin dans cette démarche en conservant intact l'éclat de sa poésie. À l'Ammoniaque n'est pas du rap et ce n'est pas de la chanson non plus, c'est désormais ce qu'on peut appeler du « PNL ». La marque (populaire) des grands se traduit par cela, l'utilisation de leur nom dans le langage courant ou comme figure d'autorité. Ainsi sont convoqués le « garde la pêche » de Booba, la trap « à la Kaaris/Niska », le rap de yenclis ou encore la #TEAMJUL. 

Si sur les réseaux certains se gaussent en agitant une prétendue pauvreté lyrique cela ressemble peut-être à une erreur de lecture. En effet pour s'imprégner du texte À l'Ammoniaque il faut posséder les clés livrées tout au long de la discographie du groupe. Ce dernier morceau, en attendant le reste de l'album à paraître dans l'année, ressemble à l'aboutissement du projet PNL également sur le plan des paroles. On retrouve le charme unique de phases mélancoliques et des onomatopées disséminées ainsi que les fameuses nappes d'Autotune qui ont fait le succès de certains morceaux. Si tout cela nous l'avions, ici il est encore une fois question d'un geste total et radical. À la manière de grands peintres, de grands auteurs, Tarik & Nabil construisent et déconstruisent leur œuvre sous nos oreilles et nos yeux, donnent une nouvelle couleur au rap de tess avec une mélancolie hypnotique inédite dans le fond et la forme.

En 2015 les bases étaient posées mais rien ne laissait présager un tel revirement dans le rap à une époque où la trap hardcore était plébiscitée. Néanmoins, 3 plus tard PNL s'affranchit de l'étiquette et des codes du rap et produit un son nouveau accompagné d'une identité visuelle au moins aussi unique. L'avènement, la confirmation et le succès populaire de PNL sont ravissants tant il est rare et capital d'observer des changements dans la musique moderne.

P.S. : dsl l'italique marche pas