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La Musique comme une veine qui palpite sous la colère.

Me revoilà encore en train de bondir sur place dans tous les sens dans ma chambre, à hurler de joie et de rage, l’haleine forte d’alcool, les sens remués par la Musique ; les coussins balancés par terre, l’un éventré, des plumes qui volent dans tous les sens, comme un tourbillon de folie de plus. De l’eau est renversée un peu partout, les habits trop encombrants jetés au hasard dans la pièce, comme des cadavres d’une ancienne bataille contre l’ordre établi. Mais qu’ai-je fait encore pour en arriver là ?


Reprenons depuis le début :



2013, je voyais des algues / 2016, je me sentais un peu libre.



A l’époque, j’étais encore tout jeune - je le suis encore, mais plus de la même façon. Je découvrais à peine certaines « grandes têtes » de la Musique, j’avais à peine découvert Diabologum, et avais écouté le dernier album de Michel Cloup Duo (Minuit dans tes Bras) par curiosité.


En répétition : Michel Cloup, The Drones ; tous les deux un peu par hasard, je voulais entendre du rock « récent » ; en mi-teinte pour l’album de Michel Cloup dont je ne retenais à l’époque rien (alors que quand même, Sortir Boire et Tomber…), mais déjà The Drones frappait un grand coup : une piste d’introduction parfaite qui me hanterait des jours durant, Gareth Liddiard en voix rauque de conteur rustre, cassée, genre vagabond bourru, qui s’énerve en de grandes frappes - une piste d’introduction au piano frêle à travers tous les ronflements de la guitare, puis toute la suite des pistes tendues par la suite…


2015, je voyais enfin Gareth Liddiard, Fiona Kitschin, Christian Strybosch et Dan Luscombe sur scène pour une interprétation monstre de morceaux à venir dans le futur « Feeling Kinda Free », à sortir quelques mois plus tard. Malgré un concert réussi et enchanteur, l’absence du pianiste Steve Hesketh (et par conséquent des morceaux d’I See Seaweed) me fera fulminer de ne pas entendre mes morceaux préférés (orgueil de choisir les morceaux du groupe à sa place, quand tu nous tiens) ; ça, et Enablers qui avait joué juste avant m’aura tant marqué que Gareth aura eu beau se démener, la tête penchée vers son micro, en hauteur, le tout aura un petit goût de faible déception. Comme une rencontre manquée.


2016, un label a été créé. Tropical Fuck Storm Records, sous lequel The Drones sort un nouvel effort, celui que j’avais déjà pu entendre quelques mois avant : un album avec toujours ces parties cassées de guitares folles, le grondement rauque à assimiler, et une suspension interminable devant l’explosion - et le magnifique To Think That I Once Loved You en single logique. Je digère mieux la disparition des parties de piano lumineux du précédent, mais attend toujours quelque chose qui me fasse autant vibrer de la part des australiens.



2018 : La déferlante de rage n'est plus contenue.



Courant 2017, des nouvelles du monde. Gareth et Fiona ont formé un supergroupe avec d’autres australiens, sous le nom du label - et des premiers singles sortent, que j’ignorerai complètement.
Il faudra que j’attende la sortie du dernier single pour m’y jeter : c’est You Let My Tires Down, où finalement je retrouve complètement The Drones et tout ce qui me faisait vibrer chez eux : je me répéterai, la voix rageuse et cassée, le calme avant la tempête, et c’était une fausse première impression de l’album. Puisque ce qui suit n’a plus grand-chose à voir…


Puisque ce qui suit, c’est des déferlantes de synthés méchants, tremblants, râpants, les sonorités éclatent et dissonent - on n’a plus de la musique de caniveau de The Drones, cette fois non, c’est une musique malade et nauséeuse, perfide, qui s’énerve en sursauts formidables :



Your politics ain’t nothing but a fond fuck you



Your politics ain’t nothing but a fond fuck you



It’s very very simple, your politics ain’t nothing but a fond fuck you.



Les sonorités se font de plus en plus mutantes, hallucinantes, comme cette voix qui se joint à celle de Gareth, donnant un contrepoint énervé à un chant énervé, comme cette basse éclatée, lourdaude, pataugeant dans l’acide et la boue, comme cette batterie crasse (The Future of History) qui se fait entêtante, tandis que la vision du futur post-TFS semble bien encrassée et pessimiste :



A sky without a world



A shore without a sea



A sun without heat



Shining a light you can’t see



If silicone is prone to make your dreams come true



You could probably say the same thing about nightmares too



Finalement, les nouveaux chants des australiens sont des chants de désolation sur le monde, des chants puants, fangeux, crasses mais d’autant plus vivants, de ces énergies vitales contre l’embourbement : dans cette galerie des horreurs que conte les deux voix, dans ce monde d’apocalypse nucléaire, dominé par la technologie comme chaînes, où tout n’est plus que déchetterie à ciel ouvert, que l’on ne s’accroche plus aux choses mais d’autant plus aux personnes - quand les promesses tombent à vide (aller sur Mars… ou partir en guerre ?), reste à hurler un « FUCK » désespéré devant « la situation d’urgence devenue la situation tout court ». De la colère comme meilleur carburant. La veine qui palpite.


Des respirations pourtant : un morceau instrumental presque lumineux, où les cris des mouettes se mêlent aux nappes céruléennes comme une montée au ciel dans cet imaginaire un peu cliché, avant que tout se casse la gueule et morphe en morceau mutant et sale, encore une fois. Puis sur le morceau-titre, on calme le jeu dans un constat, comme une nostalgie d’un passé plus clément, sur une escalade quasi-romantique, touchante à l’extrême, où Gareth semble fragile pourtant, comme touché lui-même par la force de son chant ; et où après le souvenir, il s’abandonne au pardon, à croire encore à quelque chose, tandis que les chants se divisent en échos infiniment touchants - une oasis de splendeur dans le désert mutant de l’album.


Une dernière fois - on s’énervera ; une dernière fois - on fera un catalogue étrange, plein de mots splendides, de bougainvillées, de sycophantes et ploutocrates, puis la fin, soudain, la fin.


Et je me reprends enfin ; l’album fini, mes esprits retrouvés, je vois le cirque que j’ai fait autour de moi ; comme une folie suivie en suivant cette musique, et je me dis tout de même : ce genre d’album fait vivre, et hurler, fait bouillir tous les sangs comme un seul sang fort. Comme un héritier moderne du Let Love In de Nick Cave, où la force reste la même, seules les raisons diffèrent.



Oh yes I forgive you



My sunny day



Oh yes I believe you



My run away


Rainure
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le 27 mai 2018

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Rainure

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