(Si vous n’aimez pas les critiques egocentrées et nostalgiques – ce que je respecte et comprends d’ailleurs – ne perdez pas votre temps avec la bafouille ci-dessous. On y parle grand-mère, crèche de Noël et grands magasins pour situer l’ambiance).




Un après-midi de décembre (1993 j'imagine) ma grand-mère - très vieille France, déjà jeune adulte pendant la seconde guerre mondiale, qui faisait la croix avec le couteau sur le pain et dont l'horizon musical s'étendait des opérettes d'avant-guerre à la variété française jusqu'en 1975 environ - m'appelle et me dit :
" - Je ne sais pas quoi t'offrir pour Noël
- bah une enveloppe de quelques biffetons fait toujours plaisir
- non, non, à Noël il faut de vrais cadeaux. Sinon ce n'est pas vraiment Noël. D'ailleurs je t'attends dimanche prochain pour faire le sapin et la crèche.
- bon, euh, des disques alors (c'était l'âge d'or des CD), je t'envoie une liste
- non, non, ça va être encore tes machins anglais (sic), et je me sentirai ridicule devant le vendeur. Tu fais quoi cet après-midi ? Je t'emmène au Bon Marché, mais on y va en bus, je ne prends plus le métro.
- euh, ah, ok. Cool."


Le Bon Marché - y avait pas Amazon à l'époque - n'avait de bon marché que le nom, mais c'était quand même trop la classe ces grands magasins parisiens art nouveau / art déco. On était en décembre, y avait pas Amazon à l'époque (je l'ai déjà dit non ?), donc y avait un peu de monde. Arrivé au rayon disque, la panne d'inspiration, je ne sais pas trop quoi prendre ni où chercher. Et ma culture rock était encore plus limitée qu'elle ne l'est aujourd'hui (puissante réflexion...).


Et là je tombe sur cette pochette merveilleuse. Le graphisme, la couleur, la posture d'Eddie - je ne savais pas à l'époque qu'il s'appelait Eddie, ces câbles qu'on croirait réels... J'avais entendu parler de Iron Maiden bien entendu, mais je ne savais pas vraiment comment ça sonnait.


moi, un peu gêné quand même - j'avais tout juste passé l'âge de la provoc adolescente :


"- je peux prendre celui-là ?
- ah mais tu prends ce que tu veux voyons, je m'imagine bien que tu ne vas pas me faire acheter Michel Sardou ou Claude François (le top du punk sur l’échelle de ma grand-mère)
- merci, t’es vraiment trop gentille
- C'est quand même très moche ton machin, mais enfin si ça te plait.
- ahaha
- Si la musique est du même genre que la pochette, ça doit être propre
- euh…
- j'espère que ça va pas te donner des cauchemars
- je n'ai plus 6 ans...
- vous avez quand mêmes de drôles de goût vous les jeunes…
- bon ben, si tu veux, je peux prendre autre chose
- mais non voyons, je te fais marcher ; on est là pour ton cadeau. Tu ne veux pas en prendre trois autres ? Un seul disque ça fait un peu maigrichon pour le pied du sapin. Par contre je te donne ma carte, je n'oserais jamais me présenter avec ça aux caisses.
- t'es vraiment la meilleure grand-mère du monde."


Bon, évidemment, la nostalgie brouille un peu l'objectivité du jugement. Ce Live m'avait scotché à l'époque, ces mélodies imparables, ce flot de guitares, c’est rien de le dire que je l’ai écouté en boucle. Je le trouve un peu faiblard maintenant. Je ne sais pas si c'est la prise de son, mais Bruce a l'air un peu à bout de souffle, voire en manque de coffre sur pas mal de titres. Attention, il reste des pépites : Fear of The Dark, Afraid to Shoot Strangers et Bring Your Daughter… sont indéniablement somptueux.


On était donc reparti avec quatre disques, emballés bien comme il faut dans du papier cadeau. Je ne me rappelle plus quels étaient les trois autres, mais aujourd’hui encore, quand j’écoute Iron Maiden, je pense toujours à ma grand-mère.


Et avoir Maiden comme madeleine proustienne, c’est un putain de privilège !


« Ah non, ne jure pas, tu sais bien que je n’aime pas ça. Ce n’est pas gentil ».


From Here to Eternity grand-mère ! Même si tu n’as toujours pas dû apprendre l’anglais là où tu es, je suis sûr que tu comprendras l’idée.

openupandbleed
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le 17 oct. 2020

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openupandbleed

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