Je comprends très bien que Woody Allen en ait gros sur la patate après Mia Farrow, il s'excuse d'ailleurs en fin de bouquin d'avoir consacré tant de pages à cette affaire, mais moi j'aurais préféré en lire un peu plus sur "Harry dans tous ses états" (injustement expédié en deux lignes), "Ombres et brouillards" ou ses rapports rigolos avec Emma Stone par exemple. Attention, cette autobiographie ne se résume évidemment pas à un plaidoyer pro domo dans une affaire sordide de vengeance féminine, mais incontestablement celui-ci prend beaucoup, beaucoup trop de place. Bien entendu, ce passage reste sociologiquement intéressant sur ce qu'il dit des failles de la justice américaine, des manquements éthiques de certains médias, de l'hystérie de notre époque actuelle (qui ne semble plus envisager qu'un homme fasse réellement l'objet de fausses accusations, quelle que soit la maigreur du dossier). Il parle aussi de la lâcheté des acteurs (pas tous), qui n'est pas sans rappeler le maccarthysme.
Sinon ça se lit très bien, grâce à une absence de construction totale qui piège d'ailleurs un peu le lecteur : pas de chapitres donc on n'arrive jamais à s'arrêter et on bouffe les 500 pages en une journée.
Apprendra-t-on beaucoup de choses qui n'apparaissent pas déjà dans ses films finalement ? Oui un peu tout de même, mais que les fans se rassurent, ils y trouveront surtout du Woody Allen pur jus : traits d'esprit imparables, névroses, prise à partie de Dieu qui reste muré dans le silence, angoisse face à l'extinction programmée du soleil dans 5 milliards d'année, manque de confiance en soi - soit ce type joue la carte de la fausse modestie, soit il lui manque véritablement une case s'il pense que Annie Hall, Manhattan, La Rose Pourpre du Caire, Crimes et Délits, Coup de feu sur Broadway, Harry dans tous ses états, Matchpoint ou l'Homme irrationnel ne font pas partie des très grandes oeuvres de l'histoire du cinéma.
J'aimerais bien le convaincre du contraire mais il répète plusieurs fois que l'avis des autres ne l'intéresse pas.
A part cela, j'ai quand même trouvé qu'il était vraiment bienveillant avec ses acteurs : tous ou presque sont exceptionnels et formidables. Je ne sais pas s'il est sincère ou si c'est un exercice de relations publiques, mais comme il les traite très bien dans ses films je pencherais quand même pour la première option (très belles lignes émouvantes écrites sur Marion Cotillard, totalement flippée et décontenancée sur le plateau de Minuit à Paris).