Can you feel my pretentious fun ?
Avant de briller comme producteur de génie, puis de patauger dans des albums de moins en moins cohérents, Todd Rundgren aura commis au moins quatre grands album. Si Something/Anything est probablement son chef-d'oeuvre, A Wizard, A True Star reste son album le plus poussif, le plus jusqu'au-boutiste. Et probablement le plus barré, ce qui en fait mon petit favori... Depuis Something..., les choses ont changé chez Rundgren. Le format déjà, qui n'est plus double même si l'album, avec ses 56 minutes, reste un des 33 tours les plus longs de l'histoire. Le personnel aussi change ; sur le précédent, l'artiste mégalomane avait interprété seul la plus grand partie de son album, faisant des miracles avec son studio. Ici, une foule de musiciens participent à ce projet fou. Fou, et de plus en plus tourné vers le space-rock et le progressif. Mais si progressif il y a, que les détracteurs de l'insupportable sérieux de groupes tels que ELP ou Yes soient rassurés, il se rapproche davantage de la folie enjouée de Gong.
Ainsi, les claviers, moogs et autres synthétiseurs font de nombreuses apparitions remarquées et aident la musique frappée du Todd à s'élever au sommet de sa folie. La première face est une succession de courtes chansons plus ou moins sous influences. "International Feel", chanson pop par excellence, est un des derniers (beaux) vestiges de la période Something..., après quoi les progressiveries commencent. Les "Tic tic tic, It Wears Off" et autres "Dogfight Giggle" d'à peine une minute s'enchaînent, et on passe sans cesse du coq à l'âne, balloté par le cerveau acide de Rundgren. "Flamingo" est un instrumental rappelant les bizarreries de White Noise, tandis que "Zen Archer" alterne rythme militaire et douce rêverie. Mais de toute la face A, la plus barrée, la plus Dada, la plus "Sergent-Pepper-une-seringue-rose-dans-l'avant-bras", c'est "Another Onion Head/Da Da Dali", je vous laisse en juger par vous-même.
Après une conclusion en forme de reprise du thème de "International Feel" (prog, y es-tu ?), la face B reprend avec une nouvelle chanson pop, "Sometime I Don't Know What To Feel". Un medley de 10 minutes reprenant des classiques soul et Motown, avec différents niveaux de réussite. Les plus sectaires seront peut-être révulsé par ces versions progressives de leurs classiques préférés, reste que l'essai est courageux et pas si mal réussi. Reste à citer en fin d'album un des plus grands classiques de Rundgren à placer à côté de "I Saw The Light", à savoir le grand "Just One Victory", qui des années plus tard concluait encore les concert du monsieur. La mélodie en changement constant est noyée, tout comme nos tympans aux anges, par un overdubb qui rend le résultat aussi festif que délicieusement bordélique. The rest, comme disent les rosbifs, is history.
A Wizard... est loin d'être parfait ; la qualité de la production n'est pas toujours au rendez-vous, quelques chansons ne dépassent pas le stade de démos anecdotiques, mais il mérite d'être considéré comme un grand album, tant pour les perles qui s'y cachent que pour l'ambition du concept. Rundgren ne s'est pas échoué sur les écueils du progressif lourdaud et délivre un album hyperactif et trippant qui, s'il ne mérite pas le statut de chef-d'oeuvre (sinon, que dire de Something/Anything ?), demeure un très bon cru du guitariste égomaniaque.