Attention, critique qui reflète seulement le groupe fantasmé que j'imagine à l'écoute de l'album. Aucun fait historique n'est à chercher ici.
Les Beatles font partis de ces quatuors musicaux qui, d’une part et évidemment, resteront dans l’histoire, mais d’autre part dont le line-up n’aurait su être altéré. Led Zeppelin, Metallica, le Miles Davis Quintet… Ces groupes, à une certaine époque pour chacun, ont été pris dans une équation dont chaque inconnue se balance parfaitement.
À l’écoute d’Abbey Road, je ne peux qu’admirer cette capacité de diversité apportée par chaque membre, et à la fois l’unité qui a dû relier les quatre garçons.
L’endroit qui a vu l’enregistrement de l’album auquel il a donné son nom a également dû voir des scènes sacrément bordéliques, chaque membre apportant sa pierre à l’édifice de l’absurde magnifique. Adjectifs que l’on accolera aisément à la musique du plus grand groupe du monde sur leur meilleur album.
Une absurdité typiquement anglaise. Celle de Paul, que l’on imagine prendre le thé avec la Reine. Elle qui se doit d’être parfaite sous tout rapport, apprécie énormément se taper les cuisses à l’écoute des blagues raffinées du Sir. Il lui chante la fois où cette fille s’est introduite chez lui à l’aide de la fenêtre de la salle de bain. En grand poète, il y verra plus une situation assez originale pour être contée qu’un trépassement de son intimité.
George n’est pas pareil. Il s’inspire de la beauté du monde, qu’il soit dans le visage d’une femme, dans l’intimité religieuse d’une prière, ou dans un lever de soleil. On voit dans son regard un poids enchainant. Le poids de celui qui a souffert, qui a fait souffrir. Et pourtant, il continue de sourire à pleine dent, comme s’il avait tout compris à la vie.
C’est pas comme John, qui porte sur ses épaules toute la souffrance du monde, pour pouvoir en sortir quelque chose de beau. La musique semble agir comme une catharsis sur son esprit torturé, qui aime à se rappeler les tourments qui ne sont pas les siens. Il portera ce poids, sans broncher, en faisant ce qu’il sait faire de mieux.
Et bien sûr, n’oublions pas le grand Ringo. Car même s’il n’est pas forcément aussi talentueux que ses comparses, lui, ce qu’il fait de mieux, c’est garder tous ses potes près de lui. Et quand on connaît l’ampleur des egos de chacun, on se dit que finalement, le mec devait être sacrément doué. Cet homme avait tout compris : il ne s’agissait pas de musique pour eux, mais d’être ensemble.
Tout ça s’est retrouvé dans un studio. Pour y faire leur dernier travail. Leur testament. On ne peut qu’imaginer. Paul qui laissait parler sa créativité sans contrainte et sans complexe, arborant des tenues plus exubérantes les unes que les autres, en ingurgitant des litres de thé, parlant du Roi Soleil qui devait annoncer la face sombre de la Lune, cinq ans plus tard. John réfléchissait dans un coin, lisait Anton Lavey, essayait toutes sortes d’instruments, et explorait les recoins les plus sombres de son esprit, comme cette fascination malsaine qu’il a pour sa lourde femme. George s’amusait avec sa sitar, essayait d’imposer son travail, et trouvait encore le temps d’aller admirer le travail de Dieu. Ringo recollait les morceaux, charriait tout le monde, et ne se prenait pas la tête. Il parlait principalement de pieuvres, et de leurs jardins sous-marins. Personne ne comprenait vraiment, mais tout le monde adorait ça.
C’est dans ce joyeux bordel qu’a vu le jour un des albums les plus importants de la musique populaire. À chaque fois je ne peux m’empêcher de penser à tout ce que cet album implique. Ils ne seront pas partis sans nous laisser un souvenir digne de ce nom. Un témoignage pour nous dire que oui, la communion parfaite est possible.
Because in the end, the love I take is equal to the love I make.
Merci à vous quatre d’avoir changé l’histoire de la musique pour le meilleur. Quatre garçons dans le vent, qui finiront par s’envoler à force de se confondre avec cet élément, et enfin par s’éparpiller aux quatre coins du monde.