(chronique initialement publiée sur mon site https://la-musique-bresilienne.fr/ )


En 1971, Elis Regina chantait le besoin de partir vivre à la campagne pour connaître la paix, entourée de ses amis, de livres et de chèvres (Casa no campo). Encore une chanson tragique, encore un des ces nombreux chants de colère et de frustration à l’image de cette jeune génération “MPB” pleine de rêves étouffés par la dictature au pouvoir et le conservatisme de la société brésilienne.


C’est dans ce climat morose que sort Acabou Chorare des Novos Baianos. Le nom de l’album signifie « Il a fini de pleurer» et sonne comme un manifeste contre cet état d’esprit d’abattement. A cette période, le groupe a déjà sorti un premier album très rock passé inaperçu et vient de quitter sa Bahia natale pour s’installer à Rio de Janeiro. Tous vivent ensemble en communauté dans un appartement du quartier de Botafogo comme des hippies avant de partir s’installer dans les environs ruraux de Rio. A défaut d’avoir la démocratie, les Novos Baianos prennent la maison à la campagne, les amis et les chèvres chantés par Elis Regina, auxquels ils ajoutent un peu de drogue et beaucoup de football.


C’est dans leur appartement de Rio de Janeiro qu’ils rencontrent João Gilberto, comme eux originaire de Bahia et ami d’enfance d’un des membres. De presque de 20 ans leur ainé, celui qui avant de devenir le maître de la bossa nova était celui de la bohème retrouve cette effervescence artistique et cette simplicité dont sont statut de star l’avait sans doute éloigné. C’est à son contact que les Novos Baianos redécouvrent la musique brésilienne. Peu à peu, ils incorporent choro, samba, bossa nova et baião, se mettent à la guitare sèche, au cavaquinho et au pandeiro tout en gardant l’énergie et la folie du rock. C’est Gilberto encore qui leur fait connaître la vieille samba Brasil Pandeiro d’un autre Bahianais installé à Rio, Assis Valente et qui deviendra un de leur grand tube.


Avec Acabou Chorare, les Novos Baianos réunissent en un coup de maître les frères ennemis d’alors, la musique post bossa-nova et le tropicalisme, la MPB et le rock. Loin de la gravité parfois géniale, parfois affectée de la MPB, l’album respire la joie, le désir, les rêves, la jeunesse, peut-être pas sans naïveté mais en tout cas sans niaiserie et avec une fraîcheur et un enthousiasme contagieux. Ce grand vent de liberté conquiert immédiatement tout le Brésil avec autant de succès que sont Menina Dança, Besta é tu, et Preta pretinha.


Peut-être plus que les compositions très solides signées Moraes Moreira et Luiz Galvão, plus que la voix de Baby Consuelo, plus que les solos Jimi-Hendrixien de Pepeu Gomes, c’est cette énergie collective qui fait d’Acabou Chorare un disque génial. Acabou chorare n’est sans doute pas le disque que j’emmènerais sur une île déserte mais c’est certainement celui au sein duquel j’aimerais passer un été.

Boebis
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le 11 août 2021

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