Morsüre est français, Morsüre est vieux, et Morsüre est culte. De même Morsüre est précurseur (peut-être), Morsüre est en avance sur sont temps (assurément), mais Morsüre n'est finalement pas très bon. Acceleration Process est chaotique, bordélique mais avant-gardiste malgré tout, qu'il s'agisse de Thrash comme de proto-Black, d'extrême en somme. On est pas loin de ce qu'il se fait de plus brut à l'époque, pour autant je le trouve inférieur à ce qu'ont pu faire Possessed, Sodom et Kreator à la même époque, ou Slayer et Sarcofago un tout petit poil plus tard, pour rester dans un sillon similaire.
Les vocaux, en particulier, desservent l'album. Ils empruntent au Hard Core, ce qui dénote d'une certaines originalité puisque ce type de hurlements n'était encore que peu répandu dans le Metal, mais manquent de maîtrise (le chorus d'Ahriman's Heart c'est quand même la cata). L'accent anglais du chanteur est d'ailleurs caricatural au point du risible, surtout lorsqu'on y ajoute les erreurs de grammaires qui parsèment des textes qui semblent traduits littéralement. Tout ça est amplifié par une production qui met très en avant le chant en plus d'être cradingue. Tant que je parle de production je me permettrais bien aussi de mettre un tir à la batterie électronique que je trouve hyper cheap... on la crame très vite, mais je trouve ça particulièrement évident sur Neither Pity nor Remorse.
Les autres musiciens s'en tirent mieux, la prod ne les met pas vraiment en valeur, par manque de clarté, mais ils ont bien plus de choses à dire. En particulier la basse est très en avant et est probablement le meilleur atout de Morsure. Elle n'est pas simplement reléguée à la section rythmique, comme souvent en Thrash, mais partage activement le lead avec la guitare de manière assez inventive. A nouveau je citerai Neither Pity nor Remorse, ce morceau crystallise autant les qualités que les défauts du disque. De même on trouve au long de l'album pléthores de riffs, certains Metal, certains Punk, et plusieurs font mouche. Il est juste dommage qu'un certains manque de rigueur vienne écorner tout ça... les musiciens auraient probablement gagné à répéter un peu plus. Les riffs ne s'enchainent pas toujours très bien, ça ne "coule" pas et on sent qu'ils ont besoin de réfléchir au fait de changer de plan et donc se décalent légèrement entre deux motifs. Les solos ne sont pas très propres non plus, et là où Slayer arrive à dompter le chaos pour en extraire une certaine forme de violence furieuse, ici ça paraît surtout foutraque...
Là où Morsüre se distingue réellement de ses contemporains sus-cités, outre son niveau de violence et crasse punk peut-être un poil supérieur, c'est dans son atmosphère générale. L'ambiance du disque n'est pas celle d'un vieux caveau au fond duquel on prie Satan, elle se tourne plutôt vers l'apocalypse nucléaire. Un thème résolument Thrash donc, mais finalement peu commun dans cette frange de l'extrême naissant, et abordé sous un angle plus désespéré. Et malgré mon précédent commentaire quant à l'anglais parfois bancal, les textes ne sont finalement pas si mal écrits... mais aussi variés, brassant diverses références, de Charles Baudelaire à Monique Wittig.
Globalement je trouve la deuxième face bien meilleure que la première, L'irrémédiable et Oderint Dum Metuant sont les deux meilleurs morceaux à mon sens. Je mets 4 pour la basse, l'année et les pistes 8 et 9.