Ma critique peut se résumer assez simplement en réalité : un bon EP.
Parce que oui, il aurait dû appeler le projet comme tel, il n’a clairement pas l’envergure d’un album, et ce sur tous les points, aussi bien au niveau de sa durée (frôlant à peine les 30 minutes), que sur les morceaux en eux-mêmes qui sonnent moins bien que certains des singles qu’il nous avait délivré durant la période post-ultra (je pense notamment à Variant, Kayna, KOA et encore d’autres). La pilule serait alors bien mieux passée à mon goût.
Parce que quoi qu’on puisse en dire, le projet n’est pas « mauvais », on peut en tirer une véritable ambiance, il dégage une vraie personnalité au contraire de beaucoup trop de grosses têtes du paysage rap français.
On décèle donc plusieurs phases politiques parsemées harmonieusement dans son écriture habituelle, en tout cas plus qu’à l’accoutumer.
Elles s’apparentent le plus souvent aux théories du complot et à un anti-élitisme, le Duc de Boulogne sent ainsi la fin de l’humanité arriver :
« on est trop sur la planète, j’en déduis qu’ils vont tous nous tuer », Sport Billy
« La fin est proche, Alléluia, c'est écrit dans la Torah, le Coran », Sport Billy
Cette dimension apocalyptique se ressent en filigrane dans l’album si bien qu’une oreille peu attentive ne le remarquera pas forcément à la première. Pourtant, loin d’être subtile dans son écriture (pour le mieux), Booba effectue même une possible référence au manga Berserk connu pour son extrême noirceur (et dont on lui a déjà conseillé la lecture) :
« Sacrifice humain j’attends l’eclypse », 6G.
Ainsi, on devine l’artiste comme torturé par son esprit de contradiction et sa volonté intérieure de se rapprocher d’une vie plus saine et bonne :
« tout est écrit la-haut. Si ça tombe mal c’est que ça sonne bien. Ma foi est mal en point, j’essai de transformer le mal en bien », Abidal
Faisant écho au titre de l’album, puisque dans un premier sens « ad vitam aeternam » (soit littéralement : « pour toujours, indéfiniment. ») signifie bien sûr la volonté de Booba de rester dans le milieu malgré les propos qu’il avait tenus dans Ultra qui devait initier sa retraite musicale. Mais aussi la vie éternelle promise aux croyants dans les grandes religions monothéistes après l’évènement de l’apocalypse.
Sinon hormis le fond qui fait preuve d’une singularité appréciable, la forme n’est pas en reste pour autant, on retrouve toujours son sens de la formule légendaire dont lui seul à le secret, qui plus est teinté de son cynisme apparent, car se voulant refléter une réalité crue et dure à entendre. Bien que l’on sente que ses 3 âges d’or soient passés.
« J’ai craché mon seum dans la fumée, déçu mais habitué », Benigni
Les invités nous délivrent des performances respectables dans la globalité. Seulement, aucun son n’arrive à se démarquer et retenir réellement notre attention, bien que l’on remarque quand même le travail effectué pour que chacun soit différencié de l’autre.
À vrai dire, il y a bien un son qui soit en mesure de se démarquer, mais uniquement de par sa qualité plus que médiocre, j’entends bien sûr l’outro où Kopp a pensé que ce serait une bonne idée de poser sur un Jul Type Beat (???).
Résultat des courses, le morceau fait très dater, comme tout l’album qui aurait pu sortir il y a 5 ans. Si l’on rajoute à cela des productions pas extraordinaires, en somme on peut passer un bon moment à l’écoute de l’album, mais rien de plus.
Je terminerai donc par la conclusion suivante : en aucun cas possible on ne peut le mettre à côté d’un autre album de la discographie de Booba, mais pourquoi pas en tant que filler de sa carrière, j’entends par là un révisionnisme sur son étiquette de la part du principal concerné, mais aussi un nouveau projet pour nous faire oublier l’amertume de celui-là, car on ne peut pas terminer décemment sa carrière sur un son d’une telle qualité.
6/10 (-0,5, en espérant une deuxième partie)