Guitare classique et spleen contemplatif

Auteur compositeur discret mais prolifique, cela fait maintenant plus de vingt ans que Mark Kozelek trace son chemin dans l’univers du folk indépendant. Depuis ses débuts au sein des Red House Painters, il ne cesse d’écrire et d’interpréter ses chansons et c’est aujourd’hui essentiellement via Sun Kil Moon, principalement composé d’anciens membres des Red House Painters, qu’il se produit.

Bien que crédité sous le nom de Sun Kil Moon, seul Mark Kozelek opère sur ce quatrième opus. Accompagné simplement de sa guitare classique, il produit ici un album plus intimiste, au style dépouillé. Il s’en dégage une touchante simplicité, s’accommodant parfaitement des textes de ce rêveur contemplatif.

Résolument orienté vers un jeu classique, Mark Kozelek fait glisser ses doigts sur les cordes avec une grande fluidité allant parfois jusqu’à révéler des inspirations venues aussi bien de la guitare flamenco que de la mandoline méditerranéenne. Coté vocal, c’est tout en nuance et en simplicité qu’il laisse émerger sa voix pour qu’elle puisse accompagner les riffs de guitare continue. Rappelant le chant de Beth Gibbons des Portishead, son mode d’élocution introverti lui permet d’illustrer ce que son jeu évoque déjà fortement : le spleen d’une balade solitaire au sein d’une ville portuaire assombrie par une pluie d’automne.

Bien plus qu’une simple suite de chansons, il s’agit ici d’un véritable long métrage musical. Un voyage marqué par des lieux et des personnes anonymes que Mark Kozelek semble observer tout en leur restant extérieur. Il transcende ainsi son rôle de musicien pour devenir un véritable metteur en scène en donnant une puissante résonance picturale et sensorielle à sa musique. A défaut d’images, il fait interagir en parfaite synergie sa voix et sa guitare pour dépeindre avec une justesse et une sensibilité désarmantes des scènes de vie dans toute leur complexité émotionnelle.

Toutefois, comme pour mieux distiller cette atmosphère, il n’hésite pas à ponctuer ses morceaux de phases purement instrumentales où il laisse ses doigts prendre le relais et vagabonder librement sur le manche. C’est d’ailleurs souvent au cours de ces interludes qu’il laisse apparaître des influences plus méditerranéennes qui illuminent ses décors comme autant de rayons de soleil venant transpercer les nuages épais.

Loin des productions cachant leur pauvreté sous des montagnes d’arrangements, Admiral Fell Promises est un modèle de profondeur et de richesse créé en toute sobriété. Puisant dans des inspirations variées tout en gardant une grande cohérence et suscitant de puissantes émotions sans user d’artifices, il parvient à asseoir l’auditeur en dehors du temps, comme coupé du fracas quotidien, pour le plonger dans une retraite contemplative, un instant de recul.
Detonal
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le 4 mai 2014

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