« Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi. » (F.W. Nietzsche)
Darrell Fitton (a.k.a. Bola) semble avoir voulu donner un écho musical à cette maxime au travers de son troisième album, Gnayse, lequel dépeint avec élégance et poésie un univers obscur et mystérieux, sorte de limbes perdues en dehors du temps et de l’espace.
La plongée au cœur de cet album s’apparente à une lente et progressive immersion dans une mer trouble et infinie. Un espace où flotteraient sans but des bribes de souvenirs diffus s’y étant abîmés il y a bien longtemps.
Pour mettre en musique ce voyage, Darrell Fitton façonne le son comme un plasticien travaille la matière, modelant consciencieusement chaque élément sonore dans sa forme et sa texture.
Nappes de son évanescentes et nébuleuses, beats déstructurés ciselés à la perfection, Darrell Fitton joue en permanence avec les extrêmes tout en conservant un ensemble homogène et cohérent. Il se sert de l’obscurité pour mettre en valeur la lumière. Il tire parti du vide pour en faire jaillir de larges vagues de son qui viennent remplir l’atmosphère et donner une masse à l’ensemble.
Grâce à cette maîtrise des contrastes, il évoque avec brio de fragiles perles scintillantes évoluant lentement dans un magma obscur et brumeux, ou encore des couches amples et vaporeuses se déversant dans un enchevêtrement d’éléments rythmiques disparates aux sonorités robotiques.
Pfane part 2 cristallise bon nombre de ces traits caractéristiques. D’une rythmique brute aux résonances numériques, Bola fait surgir quelques notes de piano solitaires qui paraissent d’autant plus cristallines et harmonieuses qu’elles émergent d’un ensemble ténébreux et déstructuré.
Qui à dit que les sons synthétiques étaient dépourvus d’âme ? Certainement pas Bola. Subtil et doté d’une rare puissance évocatrice, Gnayse est un bijoux d’onirisme, une odyssée au plus profond d’un univers sombre et énigmatique.
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