Manuel Vald
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La dépolitisation qui fait le lit du nihilisme contemporain doit être lue à partir d'elle-même, « comment faire du rap sans être dissident ? » pourrait signifier ceci : puisque toute dissidence (qui n'est rien d'autre qu'une inscription sur le champ politique, c'est-à-dire une contestation de la répartition de l'ordre social établi) est impossible (en vertu de sa récupération inévitable par l'industrie culturelle), il semblerait que par une sorte de magie performative, je fasse preuve de dissidence.
Déroulons notre affaire : comment une musique qui existe en vertu de son ancrage politique – le hip-hop est né de ce souci de donner une voix à ce qui n'ont pas le droit de citer (ou plutôt n'ont que leur droit de cité) peut-elle encore avoir une quelconque pertinence alors que toute revendication se trouve bien souvent anachronique et presque toujours happée par la machine que constitue le capitalisme industriel ?
La chose n'est pas forcément nouvelle, mais ce paradoxe constitutif du rap (il faut passer par la machine industrielle – soit l'instrument même de la domination – pour porter un message, quel qu'il soit) est poussé chez Vald jusqu'au point de rupture. Pour reprendre l'entêtant refrain d'Eurotrap, c'est bien en refusant d'être dissident (qui constitue la majeure partie de la production hip-hop actuelle) jusqu'à l’assourdissement que le message fonctionne. Tous les objets qui donnent au mainstream de l'industrie musicale sa substance y passent, de la voix « autotunée » au choc des images de clips ainsi que tous les fétiches de l'industrie culturelle soit le sexe, la femme-objet, l'argent ou la drogue.
On se trouve étourdi par un "autotune" anxiogène et un travail de l'image qui donne son sens à l'existence du clip musical. Ce remarquable travail formel ne fait que rendre plus saillant un contenu qui tourne autour certes de l'absurde, mais d'un absurde fait de blasphème, d’obscénité, d'excès qui semble mettre en lumière une certaine tristesse (le texte comme la voix de Si j'arrêtais) qui touche au vertige (Kid Cudi) mâtinée de nostalgie (le karaoké de Ma meilleure amie, le Capitaine Flam devenu l'inquiétant Lezarman) aux accents kitch (Je t'aime et bien sûr Ma meilleure amie). Il est remarquable que la tristesse profonde de cet album soit masquée par une violence inouïe, qui semble devoir fonctionner de manière cathartique (Vitrine, Strip, Totem, Megadose où le fond rejoint la forme jusqu'à nous donner la nausée). Vald pratique l'art de la pirouette de manière remarquable, il s'agit avant de tout de ne pas se prendre au sérieux, de refuser cet engagement impossible qui ne peut qu'être effleuré (la consommation effrénée jusqu'à l’écœurement qui sous-tend la quasi-totalité de l'album, mais aussi le côté face de la domination blanche (Blanc) ou encore l'absurdité du travail au sein du système capitalistique (Néo). Difficile de sortir de la Matrice.
Créée
le 5 sept. 2017
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