Big City Lights
Il est facile de réduire ce City Lights à sa bouleversante scène finale. Elle le vaut bien cependant tant elle se fait la synthèse de ce que le cinéma muet a de meilleur. L’absence de parole est...
Par
le 3 avr. 2014
69 j'aime
13
Quelques notes traversent l’espace puis plus rien et c’est le temps qui s’invite à l’égarement.
Quelques notes abandonnées sans état d’âme au grand vide, qui s’y mêlent, qui s’y perdent et se retrouvent, s’assemblent et puis s’envolent. Le monde sonore de Loren Mazzacane Connors a la géométrie variable de la liberté, des murs qu’on repousse sans cesse. Sa complainte instrumentale trace les courbes de son existence au pied levé, chaque note déposée rebondit sur la précédente, appelle de ses vœux la succession des arpèges à venir.
L’automatisme fondamental à l’expression sincère est loi en ces lieux incertains. Il prend le sens que chacun voudra lui concéder ; supplique abstraite ou langoureuse et c’est un bout d’homme que voilà, modelable à merci, vecteur émotionnel assujetti au temps de l’écoute, au vécu tout autour, aux résonances lointaines.
C’est un automatisme libérateur, philosophique, l’utopie du subconscient extrait sur microphone. La mise en œuvre pratique et électrique d’un idéal créatif.
La guitare est reine bien sûr, seule à bord, mais extension rare de l’esprit d’un musicien pour qui musique et existence ne sont qu’un. Loren compose comme il respire et offre à l’improvisation ses lettres de noblesse, un touché magique, manifestation concrète de ce qu’est la sensibilité dans l’inconscient collectif.
Elle est l’outil initiateur de cette beauté impersonnelle, l’esquisse encore à gribouiller aux couleurs du moment.
Ce ne sont que quelques notes, disséminées à tout hasard, égrenées comme on sème un jardin, sans but apparent, décorrélées du sens commun.
Car d’absolu il n’y a point.
Rien qu’un grand vide à emplir, une toile vierge à esquisser, peut-être une porte à ouvrir dans le cœur du plus hardi. Airs a et aura de multiples existences, rocambolesques ou quotidiennes, toutes plus éphémères les unes que les autres et c’est là leur force unique, l’urgence vitale qui les anime, l’imminence de leur terme.
Quand la dernière note se sera éteinte, Loren disparaissant sur la pointe des pieds, te laissant seul avec toi-même, alors la toile sera à nouveau vierge, le vide plus vide encore, tout sera à recommencer.
Créée
le 13 mars 2016
Critique lue 209 fois
22 j'aime
3 commentaires
Du même critique
Il est facile de réduire ce City Lights à sa bouleversante scène finale. Elle le vaut bien cependant tant elle se fait la synthèse de ce que le cinéma muet a de meilleur. L’absence de parole est...
Par
le 3 avr. 2014
69 j'aime
13
Avec ce film, j'ai découvert l’œuvre des frères Coen. Il reste à ce jour l'un de mes favoris. Jeffrey Lebowski (Jeff Bridges), qui se fait humblement appeler "Le Duc", est un fainéant de première...
Par
le 24 nov. 2013
57 j'aime
13
Un ciel sombre, chargé. Au travers filtre un mince rayon de soleil. Bouli Lanners pose l’esthétique qui habillera son film d’un bout à l’autre. Un poing sur la table. Puis il pose ses personnages. Un...
Par
le 30 janv. 2016
56 j'aime
26