« Faith No More sort l’album de l’année » .
Le groupe entame donc sa dernière mue avant de rentrer en hibernation… La pochette représente le président Tchèque Tomas Guarrigue Masarik considéré comme le symbole de la démocratie en ce pays. On peut aussi lire dans le livret « Pravda vitezi » soit « La vérité l’emporte ». C’est Gould et Hudson (le nouveau guitariste du groupe) qui envoient les premières compos définies comme « dark » par Patton et annoncent le déclin du groupe ; « Nous commençons à faire de la mauvaise musique », affirme le chanteur. L’ambiance de l’album est très sombre mais pas à la façon du black metal, sombre dans son propos, dans ses tempos, dans son chant. L’album est très cohérent et transpire la noirceur d’un triste bilan.
FNM parvient toujours à surprendre, même dans des conditions difficiles de cohésion de groupe. 5ème album, 5ème OVNI: le chant de Patton est à nouveau différent, la batterie moins tribale qu’avant mais plus énervée, plus rock,… Les samples de Bottum semblent revenir sur le devant et semblent retrouver l’inspiration d’un Woodpecker from Mars (instrumental paru sur l’album The Real Thing), tout en restant créatifs et non répétitifs vis-à-vis du passé. Billy Gould, toujours égal à lui même est le comparse parfait de Mike Bordin.
L’album dans son ensemble est teinté d’une ambiance planante tout en donnant un sentiment de puissance, d’assurance très agréable. On est loin de la rage inhumaine de Cuckoo for caca ou Get Out (sortie sur King For a Day). Certains morceaux sont très violents évidemment, mais on ne parle plus de haine ici.
Collision,ouvre l’album de manière explosive puis enchaîne les break très envoûtant grâce au chant et au synthé pour mieux nous surprendre dans une explosion de violence. Toujours cette volonté de nous permettre de nous accrocher à un espoir (les breaks), pour nous l’arracher subitement dans un élan de riffs métalleux aiguisés aux barbelés comme le fera aussi Naked in front computer. 2:10 de rock and roll énervé avec un réflexion sur les gens scotché à leur ordinateur. L’intro est chaotique, l’outro apocalyptique. Dans le même genre mais trop long, Mouth to Mouth, envoi son petit lot de charbon.
Sûrement le morceau de FNM que j’apprécie le moins. Il lui manque peut-être un final dantesque façon « Ugly at the morning » contrairement à « Got that feeling » . En deux minutes FNM résume 10 ans de création frappa-dingue en évoquant un joueur de poker prêt à sombrer dans la défaite… Ensuite, à l’exception de She Loves me not (qui souffre de la comparaison avec sa grande sœur « Evidence » et ne sera jamais joué en concert, tout comme « Smaller and Smaller« ) tout le reste de l’album est très sombre.
Stripsearch dégage une ambiance très hypnotique, avec ses samples lounge, ce chant envolé du plus bel effet puis lentement susurré… On se sent emporté loin dans les regrets du personnage créé par Mike Patton qui admire Serge Gainsbourg. On commence à y entendre cette influence sur ce morceau (repris avec classe par Race To Space) .
Last cup of Sorrow où Mike semble s’inquiéter des jeunes bambins de nos sociétés. La façon dont John Hudson joue ses riffs et le sample de Bottum qui nous aspire permettent au morceau de se finir en nous laissant dans l’espace si particulier de FNM. Helpless est une ballade au relent de western où Mike s’inspire à nouveau de Serge Gainsbourg. C’est encore une fois, un morceau très planant et assez noir. Un homme admire sa propre mort devant laquelle il paraît impuissant. Ashes to Ashes est perdu entre la ballade, le grunge et le style Faith No More avec toujours cette atmosphère noire qui caractérise la plupart des titres.
Le triptyque final ne changera rien à la direction prise par le groupe. « Path of Glory ». Les chemins de la gloire, une thématique chère à la troupe qui a toujours essayé de garder le plus possible les pieds sur terre même si cela n’a pas dû être facile tous les jours. « Home sick Home ». Décidément les trois derniers titres ne comptent pas nous faire décrocher un sourire. Encore une fois, j’ai vraiment l’impression (c’est une interprétation personnelle) que Mike nous parle de fermer la porte, de partir d’une route qui les éloigne de leur but principal: être des créateurs libres. L’outro de l’album, « Pristina » (capital du Kosovo), se rapproche plus de l’ambient que du rock : simple, efficace et toujours du côté dark de l’univers où un défunt semble parler à sa/son protégée.
« Après 15 longues et fructueuses années, FNM a décidé de mettre fin à toutes les rumeurs circulant sur la rupture imminente du groupe… en se séparant. Cette décision est mutuelle, et il n’y aura aucun pointage de doigt, aucune accusation autre que d’affirmer, officiellement, que « Puffy (Mike Bordin) a tout commencé ». De plus, la rupture permettra à chaque membre du groupe de continuer ses projets individuels sans gêne. Finalement, et c’est d’une grande importance, FNM veut remercier tous ses fans et associés qui ont supporté et soutenu le groupe à travers son histoire. »
« C’est affolant de voir que le public ne veut écouter que ce qu’il connaît déjà. » FNM
Le groupe, loin des clichés du rock, a su mener un bateau à la coque peu avantageuse sur une mer très agitée, guidé par un équipage constitué uniquement de capitaine rêvant chacun d’une destination différente. Malgré tout, arrivés à bon port, ils ont tous survécu, et ce qui ne tue pas, rend plus fort et plus bizarre. Chacun d’eux créera son propre navire pour finalement revenir plus tard… Le chapitre est clos.
Les habituelles chut d’album :
Light up and Let Go
The Big Kahuna
Et différents remix parus sur la réédition de l’album en Europe:
Ashes to ashes
She Loves me not
Last Cup Of Sorrow:
Big foot and Wild Boy remix
BoneHead Mix
Un remix de Pristina par Billy Gould et une reprise de Burt Bacharach (chanteur, compositeur et pianiste américain): This guy’s in love with you paraît également cette année-là. Cette reprise surpasse, selon moi, toutes leurs covers! Le groupe rejoue ce morceau en live régulièrement et le fait avec une classe très charismatique. Vous retrouverez tous les clips du groupe depuis leur début jusque 1997 sur la toile. Je vous fais l’impasse sur les nombreux best of du groupe créés pour remplir le contrat qui relie FNM avec sa major.
Avant de splitter, Faith No More participera à un album de Plagiarism « Faith No More vs Sparks » ,en 1998. Cela donne des morceaux très énergiques, Faith No More surprend à nouveau en jouant différemment, dans un registre totalement étranger à ses habitudes