Avant le prochain album, Faith No More renvoie son guitariste par fax suite à de nombreux désaccords artistiques. Dans le futur, il se contentera de quelques apparitions scéniques (avec Infectious Grooves notamment, groupe de funk metal). Il a aussi sorti un album solo : Milk and Blood en 1997. Avec le reste de l’équipe (FNM), cette galette aurait pu être un très bon cru…


Dans la foulée, Jim Martin va se mettre au vert… Et remporter le prix du plus gros potiron au monde !
« J’en avais marre de participer à des projets qui se vendent à plusieurs millions d’exemplaires sur toute la planète. Tu as vu derrière? Pas mal hein?! »


« Notre plus grande fierté, c’est d’être resté nous-mêmes pour chaque album » Billy Gould


Rappel des faits :
En 1989 sort The Real Thing, FNM, soutenue par MTV est propulsé sur le devant de la scène mais il se retrouve catalogué. Malaise. FNM n’a pas du tout prévu de garder cette ligne directrice: mélanger le métal et le funk entre autre. Alors, FNM prépare Angel Dust, leur album le plus compliqué et expérimental. L’accueil est difficile aux USA, le public regrette l’ancien FNM mais ces derniers se font un nouveau fan club (moins nombreux). Le groupe doit faire face à une rage entretenue par des tournées parfois éprouvantes, la rencontre avec les Gun’s, notamment, se passe mal et la direction qu’a pris Nirvana fait réfléchir les artistes sur la façon dont ils contrôlent leur art. Le suicide de Kurt Cobain (grand ami de certains membres du groupe) n’aide pas non plus à surmonter certaines épreuves à cette époque tout comme le licenciement de Jim Martin. Enfin Roddy Bottum qui doit se désintoxiquer (« Cette période est la pire de ma vie », sa patte est d’ailleurs peu présente sur l’album) n’aide pas le groupe à surmonter toutes ces énergies négatives.


Trey Spruance de Mister Bungle (compositeur et guitariste) vient donc aider à la composition des morceaux et c’est Dean Manta qui partira en tournée avec le groupe, Trey étant effrayé par l’agenda des tournées. Enfin Faith No More fait pour la deuxième fois le constat des étiquettes collées sur son dos, ce qui motive le groupe à créer un album loin de Angel Dust. Les ventes de l’album ont chuté de moitié par rapport à TRT mais la force morale de Billy Gould et Mike Bordin maintient le navire.


C’est donc dans ce contexte très sensible que FNM retourne en studio accompagné de Andy Wallace pour effectuer sa troisième métamorphose. Ce dernier situé loin de la vie active de la ville, les artistes vont pouvoir se concentrer pour donner le meilleur d’eux mêmes.
Trey Spruance, compositeur pour cet album (et de Faxed Head, Mister Bungle, Secret Chiefs 3 principalement) n’apprécie pas vraiment le rendu final.


Pour sa troisième mue, le groupe devient plus mature dans ses propos mais cet album sera moins accessible. Les changements de style entre les morceaux (14 titres, 14 styles différents) sont déstabilisants pour certains… Selon Bordin, cet album est le bilan de leur vie, étant un peu pessimiste pour l’avenir du groupe, ils ont enregistré/créé comme si s’agissait de leur chant du signe. King For A Day est principalement composé par Patton, Gould et Bordin. Les lyrics sont en grande partie de Patton.


Alors quelle logique y a-t-il dans ce KFAD?
Cet album, c’est un peu l’histoire d’une vie: triste, joyeux, violent, passionnant, délicat, tortueux, rageur, engagé. Musicalement brutale, excessif porté par une production intemporelle (pour le moment). Cette période représente beaucoup de changements personnels et artistiques pour chacun des membres.
Le fil conducteur semble être aussi lié à la célébrité, la vie de débauche que provoque les tournées, la sensation brève mais intense du succès/pouvoir d’un disque à la haine et la rage (parfaitement symbolisé par le design rouge et noir de l’art-design signé Eric Drokker ) que peuvent provoquer les uns chez les autres comme semble l’exprimer l’ouverture de l’album.
Comment interpréter la baisse des ventes aux USA pendant leurs croissances ailleurs dans le monde… Auraient-ils mauvais goût? Ou est-ce l’inverse?


Faith No More compose donc un album hétérogène et pour évacuer sa rage, il ouvre son mémoire avec le très rock Get Out (entièrement composé par Patton) puis passe au métal planant de Ricochet (et son intro proche de celle de « Killing In The Name » des Rage Against The Machine). Patton semble s’inspirer d’un homme qui mène une vie de débauche et laisse un message à ses proches: pensez à vous, je suis une épave, ne perdons pas de temps à se jouer du violon, je n’en vaux pas la peine. Comme pour amener un peu de gaieté et surtout pour composer sa propre chanson pop, le groupe envoie Evidence , aussi belle qu’humoristique avec ses parties de guitare très travaillées. Ce morceau fut enregistré en trois langues : anglais, espagnol et portugais.


The Gentle Art Of Making Enemies Happy birthday … FUCKER ! (extrait des paroles) Titre hardcore à la rythmique de folie : la basse et la batterie sont en parfaites harmonies (Gould et Bordin forment un duo d’exception). Pour évacuer sa haine, Patton hurle, rappe, chante avant d’imiter Joe cocker sur le très jazzy Star A .D. (composé en partie par Billy Gould), où Faith No More aborde les risques de l’ivresse de la célébrité. Patton cite même un film en milieu de chanson: ‘Quand vous mourrez …… Vous allez devenir quelque chose de pire que mort ….. Vous serez devenu une légende « , « Alphaville », film français réalisé en 1965 par Jean-Luc Godard. Puis vient certainement le morceau le plus violent de toute leur discographie : Cuckoo For Caca; un hommage à Freud ? La terreur de la musique et toutes les métaphores de Patton font de ce morceau un enfer musical, lyrique et fécale (une métaphore du ressenti des pires périodes de nos vies). Aucun autre morceau n’atteint cette sensation malsaine que procure Cuckoo For Caca. L’orgue en fond, la voix usée/déchirée/haineuse, les riffs sombres, le break inspirant le désespoir, la batterie tribale tout au long du morceau semblent tout indiquer pour un moment de pure folie avant de passer à la musique d’ascenseur.
L’heure n’est plus au dixième degrés. Le groupe veut casser son image puérile. Dean Manta est au centre : un fan du groupe qui les suivait sur chaque tournée, sélectionné pour sa capacité à jouer aussi bien que Jim Martin.


Caralho Voador ou « Bite volante » en français… Arrive comme le calme après la tempête. Titre planant, limite lounge aux accents bossa-nova. Puis, la tempête revient… Ugly at the Morning et son final très « zornesque » donne un morceau effrayant d’une rare violence ( une version live , déjantée et très efficace) avant de réciter sa prière avec Digging the Grave où Patton livre une de ses meilleurs performances: un petit face à face avec la mort. Gros tube en puissance (il passait sur Fun Radio et en live sur Canal + NPA). En cas de coup de blues, c’est exactement le genre de musiquament qu’il vous faut au cas où Take This Bottle vous a grisé le moral. Une belle ballade country/rock où tout le monde reste bien sage, le tout sonne très « américain »; on retrouve un peu cela sur certains morceaux de Load (sixième album de Metallica). Un titre plein de mélancolie parlant des Hommes trop imbibés (décrit par le groupe comme une chanson à la GNR).
« Cette fois nous avons suivi nos pulsions » Mike Patton


Après nous avoir balancer dans tous les sens, à ce stade de l’album, on se demande ce que le groupe peut encore nous réserver… King For A Day (ici une version live excellente) fait ressortir beaucoup d’émotions en mixant un style gitan au rock progressif. C’est un peu la chanson adapté au bilan de votre vie : tour à tour hargneux, envoûtant et planant, parfait pour refaire le film de sa vie et cette fin expérimentale/ambient qui prend tout son sens en live. Etre roi, ça ne dure jamais bien longtemps… et ça FNM l’a bien compris (comme le rappelle souvent le batteur « Si tu penses que tu n’as plus rien à apprendre, t’es foutu » ou encore « Je ne suis pas le meilleur, comme c’est écrit dans certains journaux. Le seul compliment qui peut me faire plaisir, c’est quand un groupe m’appelle pour participer à leur projet comme Robert Plant qui me propose de jouer avec Led Zeppelin« ). What a Day (composé par Patton et Spruance) et son punk hardcore représentent très bien la folie créatrice du groupe. The last To Know est plus classique (refrain/couplet/refrain/etc). Un peu comme si FNM voulait dire « On peut faire du rock comme tout le monde ». Trey Spruance (rappel : compositeur pour cet album uniquement) trouve des riffs très classe et un solo remarquable chargé de « vie ». Le groupe définit ce morceau comme » Pearl Jam mushrooms » (Pearl Jam, groupe de rock américain). L’album se clos sur le trip rock/gospel Just a Man (composée par Gould et Bottum) fermant le chapitre sur la célébrité et ses déboires en concluant « Finalement, nous ne sommes que des Hommes, rien de plus , des êtres qui cherchent à s’élever en oubliant le triste destin d’Icare. » Ce final est une des plus grandes fiertés du groupe, il sera même repris par un orchestre .


C’est donc l’album le plus éclectique du groupe sans réel équivalent dans le monde du rock. Malgré la diversité, malgré la folie contenue, cet oeuvre est hors du temps, chaque écoute permet de mieux la cerner et elle ne semble jamais vieillir. Impossible de déterminer son époque si vous ne connaissez sa date de sortie, impossible de classer l’album et de toute façon, les classements, les cases, ce n’est pas bon pour l’art en général : soyez comme l’eau disait Bruce Lee, l’eau n’a pas de forme, elle s’adapte. Si cet album a demandé beaucoup d’effort au groupe, les ventes ne le récompenseront pas : elles continuent de baisser depuis The Real Thing. Pendant la tournée King for a Day, la troupe annule des dates pour finalement retourner en studio et sortir un ultime album avant le split que plus personne n’ignore au sein du groupe. En 2011, FNM jouera l’album dans son intégralité avec en soutient Trey Spruance, et pas mal de musiciens pour accompagner Star A.D. et quelques choristes pour Just a Man (revisitée à l’oriental par le guitariste pour l’occasion).


Liste des différentes chutes et remix sortis à l’époque:
Le remix de Caffeine par Billy Gould, nommé pour l’occasion « Englove » sur la compilation Metallurgy sortie en 1995. Ce remix met en valeur toute la mélancolie du titre.
Parmi les chutes de l’album, on retrouve Absolute Zero (composé par Patton). Cet inédit dénote un peu avec l’ensemble de King For A Day tout comme un instrumental enregistré après la sortie de l’album et le trop enragé I Won’t Forget You par ailleurs répétitif et jugé trop « haineux » par le groupe. Reste Hippie Jam Song (composé par Patton et Gould), qui semble revenir des années 70 grâce aux nappes de synthés très marquées.
Greenfields une cover des The Brothers Four (un groupe américain de folk fondé en 1957) paru avec le single Digging the Grave.


I Started a Joke. A nouveau une reprise, cette fois des Bee Gees où Mike Patton excelle dans son rôle de crooner. Le groupe s’amuse également à reprendre Spannish Eyes (l’originale) de Al Martino (chanteur et acteur américain 1927-2009). Je vous laisse apprécier la reprise de Faith No More.


Le groupe reprend une chanson de GG Alin. I Wanna Fuck MySelf : (l’originale) et la reprise de Faith No More. GG Alin était un chanteur de punk hardcore, et le mot est faible : son attitude sur scène n’est que provocation, violence et mauvais goût pour contraster le conformisme. Il n’est pas étonnant de voir la bande reprendre cet artiste déclaré fou par son médecin.

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le 31 juil. 2017

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