Dans sa critique sur Iowa, 21st Century Christ dit que Slipknot est "un animal battu par ses maîtres". Je n'ai pas l'habitude de citer d'autres critiques de Senscritique, mais force est de constater que cette formule est particulièrement bonne pour évoquer ce qu'est Slipknot. Or, c'est malheureux à dire, mais All Hope is Gone donne le sentiment d'être justement passé à travers cet étape. L'animal est désormais en cage, et bien qu'encore sauvage, il obéit et délivre sa haine quand on lui demande. Mais qu'est ce qu'une haine mécanique ? Peut-on encore considérer cela comme juste ? Comme sincère ?
Parfois doux et mélodique, parfois brutal. Parfois vrais et parfois faux. All Hope is Gone, le quatrième album de l'hydre Slipknot sonne bien étrangement et bien qu'on puisse apprécier son son grâce à une certaine unicité, on est néanmoins sceptique quant à cette évolution du groupe.
En effet, le son de ce disque respire une sorte de violence simulée. On a perdu la tordante et la sauvage tentative de survie des précédents disques (Iowa en tête). Il en résulte un son relativement mou ou les guitares et la basse semblent bien sages, ou le chant de Corey est presque mécanique, comme ordonné et où les mélodies du chants deviennent des sortes de tristes mensonges dans les oreilles des fans. Reste Joey Jordison. Je me rappelle qu'à la sorti de l'album j'avais détesté le son de la batterie. Finalement, avec le recul, je crois que cela vient de l'impression de profonde liberté de son jeu. On dirait qu'il tente de sauver Slipknot, de maintenir la bête dans le flot de la destruction. Jordison fait presque brouillon dans ce disque car il est le seul a avoir maintenu en vie sa haine brute.
On écoute pas Slipknot pour susurrer des mélodies.
Slipknot doit être violent et sans concession, sinon, ce n'est plus Slipknot. Ce n'est plus ce que faisait le groupe et ce n'est plus non plus ce qu'il essaye de vendre. On peut donc se sentir trahit en ayant, dans ce disque, cette violence mécanique, qui plaira peut être aux kids mais sonne bien faux.
Après une introduction sans saveur, on a donc, avec Gematria, la matrice de ce que sera ce disque : du Slipknot en cage. Une version contrôlée de ce que doit faire Slipknot. Une version contrôlée mais surtout mécanique, presque fausse. Tout est rythmée à l'avance.
Butcher's Hook, This Cold Black, Wherein Lies Continue sont sur ce format total et non finalement aucun saveur.
La seule nuance sera dans des refrains plus ou moins harmonieux mais finalement assez étrange puisqu'on s'attend pas à entendre ça dans du Slipknot.
On va me dire que j'ai été un petit peu vite, car il reste quand même 7 pistes sur les 12 de la version de base du disque. Mais rassurez vous, ça confirme mes paroles.
Psychosocial apparaît totalement comme une "mise en cage" de Slipknot. Sauf que cette fois c'est comme si la cage était devenue elle-même malsaine. Comme si le prisonnier Slipknot était résigné et clamait (sans hurler) son désespoirs. A la différence des autres, il n'y a pas la recherche, dans ce morceau, d'une fausse violence. Et c'est peut être cet aspect plus direct, agressif sans hurler, qui arrive à séduire. Notons que la sensibilité des refrains sonnent ici plus juste.
Dead Memories apparaît également comme plus vrais. Là aussi, le refus d'être une bête sauvage est assumée. Là encore la tristesse remplacent la haine. Au point que l'inaction semble être très présente. Et c'est finalement bien plus reposant pour les oreilles que Gematria, tout en étant bien plus séduisant. Le travail de Jordison à la batterie est ici sublime et on a le droit à un morceau d'amour très touchant qui donne du grand Slipknot.
Face à ça, j'ai un problème avec Sulfur. Certes, il est avant Psychosocial et Dead Memories, mais il est, en réalité construit sur une sorte de fusion bâtarde de ces deux modèles avec, en prime, la "nouvelle formule Slipknot" en sauce pour ajouter du goût. Le résultat peut être séduisant et plaire, mais après écoute on a l'impression d'une redite qui convainc à moitié donc.
A côté de ça, cette nouvelle formule a quelques succès. Vendetta ainsi sonne comme étant un bon titre de cette conception qu'avait Slipknot pour ce disque et offre un morceau très agréable à mon goût. A l'inverse Gehenna apparaît comme une version "ancienne" de Dead Memories mais avec la sonorité de All Hope is Gone. C'est comme si il y avait eu une piste, une influence proche dans le désir de conception (ce qui n'est pas réellement le cas) mais un travail légèrement différente, comme un retour aux inspirations anciennes.
Pour ce qui est du refrain, on l'aimera ou non. Il a un côté très pop qui risque de déplaire à certains.
Pour parler pop, continuons là-dessus. Snuff est un titre d'une grande profondeur, très touchant, évoquant une rupture difficile pour Corey. C'est fort, c'est beau, c'est doux, c'est délicat, ce n'est absolument pas Slipknot. Au-delà de l'idée tout, dedans, respire le "non-Slipknot". Que ça soit la composition, la voix, ou le son, rien dans ce morceau ne rappelle Slipknot ou simplement le reste de l'album. Il faut quand même comprendre que la piste 11 est totalement sorti, en terme de son, de nul part, par rapport au reste. Résultat, le morceau a beau être très sympa, on se demande bien ce qu'il fou là. On retrouvera un phénomène semblable avec 'Til we die (piste bonus), qui sonne comme le reste de l'album mais semble très éloigné en terme d'idée et de compo. C'est un bon titre cela dit, à la différence de Child of Burning Time.
Pour finir sur les pistes bonus, le remix de Vermillion part.2 est plaisant mais vraiment trop court ! Enorme regret sur ce coup-là.
Heureusement, les pendules sont remises à l'heure avec All Hope is Gone. La bête est libérée, elle s'est libérée. Slipknot est de retour à 200%. C'est comme si le carcan que le groupe s'était imposé avait sauté et que tout avait explosé. On retrouve la brutalité, la puissance, la rage de ce que le groupe fait. Le tout avec un son qui ne renie pas le reste de l'album. Ce morceau est une pure réussite.
Finalement, ce morceau est une belle conclusion pour le disque. En effet, bien que s'étant mis dans une formule, dans un type de son, de composition qui donne l'impression d'une auto-trahison, Slipknot a su parfois sortir le meilleur de cette formule (Dead Memories, Psychosocial, Vendetta). La majorité du temps, les autres morceaux apparaissent comme forcés, comme une recherche vers le passé au lieu d'assumer le présent (Gematria, Butcher's Hook, This Cold Black, Wherein Lies Continue). Le paradoxe est là : on est déçu parce qu'on voudrait du Iowa, que le groupe tente de nous offrir un ersatz de ce que serait un Iowa en 2008 et qu'on est donc profondément déçu.
Parce que s'imposer de nouvelles limites n'est pas forcément un mal, même si ces limites (cette mise en cage) semble apparaît comme une trahison. La trahison est ici que le groupe se l'est véritablement "imposée" et à travesti tous les morceaux dont j'ai parlé négativement. Alors qu'en s'assumant, il y a du très bon.
Notons Gehenna et Snuff, comme des pistes diverses, peut être trop étranges, ou trop à côté de la plaque pour cet album. Mais intéressants quand même.
Notons aussi le titre éponyme ... Comme si jamais l'hydre Slipknot ne pouvait être durablement enchainé ... Même par soi-même.