Salué par la critique Black Book nous montre l'amour de Paul Verhoeven pour les scénarios longs sans longueur et les œuvres dotées d'image marquante. L'esthétisme ultra-soignée du film qui est pourtant loin d'une idéalisme grecque arrive à convaincre plus que de raison. Finalement, acclamé par la critique de par sa beauté et son thème (la seconde guerre mondiale et la résistance, ça fait toujours vendre), Black Book est un film sur-vendu dont les qualités ne sont que d'autant de points qui n'éclipsent que partiellement les défauts.
Je vous préviens, à partir de maintenant, je vais spoiler.


L'histoire est celle de Rachel Stein, riche héritière néerlandaise et juive, campée magnifiquement par une Carice Van Houten en grande forme. Rachel va tenter de fuir le nazisme mais un traquenard condamne à mort ses proches, seule survivante elle va aller de mal en pis jusqu'à rencontrer la résistance. Celle-ci lui donnera une mission de la plus haute importance : jouer l'espionne en devenant la maîtresse de Ludwig Müntze (Sebastian Koch), colonel SS important.


Derrière ce scénario simple, Verhoeven multiplie les clichés et le manque de rigueur scénaristique offrant une histoire sur-exagéré qui finit par cacher la beauté et la laideur de la véritable résistance. Car, le but premier de Verhoeven semble être de montrer l'horreur de la guerre et la méchanceté qui anime le coeur de chaque homme, nazi comme résistant. Le mélange du bien et du mal semble, dans un premier temps, au centre de l'oeuvre.
Pourtant, Verhoeven va user de grosses ficelles scénaristiques et de mises en scène qui vont rendre le film totalement médiocre sur bien des aspects. Pourtant, ce même film jouit de grands avantages : de véritables beaux moments, une bande-son réussie, un jeu d'acteur de haut niveau, le grand Paul trouvant de grands génies méconnus. La beauté de l'image est aussi au rendez-vous, tout le temps, mais elle dessert malheureusement le film plus d'une fois.
En effet, la division bon/mal est une division qui est physique et esthétique. Les méchants apparaissent comme des pervers sans retenus, des hommes laids, presque difformes, comme contrôlés par leur incapacité à se retenir et la méchanceté en eux. Même le gentil médecin est bien souligné comme pervers dans la première scène évoquant sa sexualité.
A l'inverse, Müntze est visualisé comme un homme beau, grand, élancé. Les autres sont des salauds égoïstes, lui a eu une histoire tragique, a perdu ses proches. Sa sexualité est contrôlée, soignée, presque poétique et artistique. Il y a de l'amour dedans. Sa loyauté envers son pays est total, il est militaire et pacifiste en même temps. Sa seule bizarrerie (si je puis m'exprimer ainsi) est la philatélie qui disparaît pourtant bien vite pour se concentrer sur le personnage apparaissant comme un prince charmant.
Disons le clairement, il faut être aveugle pour penser que ce film n'est pas manichéen, il est parfaitement et totalement manichéen. Et c'est là son grand défaut, prétendant montrer que les nazis avaient des gentils et les résistants des méchants il finit par diviser le monde en deux catégories fermées : les salauds et les saints.
Ce film est la mort de la complexité, le sacrifice totale de la diversité humaine, il prétend que les gens sont soit mauvais soit bons. Les traîtres apparaissent comme ayant toujours été manipulateurs, la complexité du chemin personnel conduisant une personne a en trahir d'autres est oublié. Ce film est d'un manichéisme froid et inhumain qui se drape dans un pseudo-réalisme faisant de ce film une honte de la reconstitution historique.


Le second gros défaut du film concerne aussi l'esthétisme. Dieu que cet esthétisme est beau, maîtrisé, bien fait. On est impressionné, sans conteste, par la beauté de l'image, du décors à la position des acteurs en passant par la photographie, tout est réussi. Et pourtant, c'est là encore que la violence se fait. Verhoeven est dans une telle volonté de montrer l'horreur de la mort qu'il ne nous épargne aucune exécution, aucune mise à mort. Nous voyons les corps se faire déchiqueter par les balles, nous voyons les morts, d'anonymes ou de personnages principaux avec une violence froide et horrible. Si par moment le but est clairement une empathie intelligente, plusieurs fois on se demande où est l'utilité sinon dans un voyeurisme qui vise le pathétique ? Verhoeven veut toucher et par moment, ou plutôt très souvent, il fait fie de la subtilité et décide d'y aller violemment pour émouvoir. Je trouve ça regrettable qu'un si bon réalisateur ait besoin d'outils si médiocres pour faire ressentir quelque chose. Non, ce n'était pas nécessaire.
Je ne suis pas dans un refus de montrer la mort à l'écran, au contraire. Mais ce film est noyé dans la violence. Si d'une part ça permet d'avoir ce sentiment d'accumulation comme Rachel, ça se trouve également très négatif dans la sur-enchère qui jamais ne s'arrête et clairement souligne la gratuité d'actes dont on connaît, pourtant, la fin. Le film se faisant comme un long flash-back l'aboutissement est connu. On est donc simplement dans du pathos pur et dur, gratuit au possible.


Dernier point fort détestable du film : le black book. Cet objet apparaît relativement tard et a pour but de découvrir qui sont les comploteurs qui sont la cause de tout. Ceux qui trahissent les riches juifs, qui en ont tué des centaines mais ont aussi parasité l'armée allemande et la résistance et blablabla … En sommes, on a une accumulation qui se fait donnant le sentiment d'un complot important, central. On ne serait presque pas étonner d'apprendre que ce complot est la cause de la guerre tant c'est exagéré. On soulignera pourtant que ce complot est mal foutu. Il ne marche pas, il ne fonctionne logiquement pas.
En effet, pourquoi s'embêter à les faire tuer par des sous-fifres et donc que plus de gens soient au courant alors qu'en ayant connaissance de leur lieux ils pouvaient être tués immédiatement ? De plus pourquoi leurs demander de prendre leurs argents vu que le banquier était d'accord pour cette opération ? Pour éviter de salir le banquier ? Mais vu qu'il avait prévu de trahir ses clients et que ceux-ci mourraient, personne ne s'en serait plaint.
De plus, le film ne tient que dans son dernier quart avec ce complot. Tout le reste pouvait s'en passer, la thématique de l'espionne n'avait pas besoin de ce combat qui est trop auto-centré et, du même coup, enlève la porté générale du film. C'est donc un schéma gratuit et ennuyeux.


De manière générale la narration souffre d'un nombre trop grand de twists qui enlève du dynamisme tant on finit par s'y attendre. On notera aussi les inserts, très nombreux, qui sont là encore prévisibles. On comprend bien vite que rien n'est gratuit et le moindre détail apparaît comme un gros indice pour l'avenir.
Le début du film étant une suite continue de mauvais traitements et d'échec, on regrettera également cette accumulation excessive, presque cartoonesque.


On ne peut nier que le film est beau, que l'on ne s'ennuie pas (sur plus de deux heures), que les acteurs sont tous géniaux. Non, ce sont des points véritablement bons. Mais à côté de ça, Black Bookd a un manichéisme d'une rare stupidité, une volonté de jouer sur le pathos à l'excès, un scénario qui est parfois tiré par les cheveux et dont les ficelles sont trop grosses. Ce film est bourré de défaut et son succès critique m'impressionne tant il s'agit, en réalité, d'un échec dans sa volonté d'être un « bon » film. Il ne parle pas du tout de manière réalisme de la seconde guerre mondiale, son traitement étant dans l'ultra-manichéisme et la facilité d'une écriture de type roman.

mavhoc
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le 5 mars 2016

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