All the Wars par Benoit Baylé
Mouais.
Les ayatollahs du progressisme nouveau, non-contents de ne pas retrouver dans leurs écoutes actuelles les vaillances sonores d’autrefois, font parfois acte d’une indulgence fort mal sentie. Indulgence qui, dans bien des configurations, se mue en adoration quasi fanatique. Au rayon metal progressif, les supercheries sont légions, mais elles sont facilement résumables aux fameux Dream Theater. En ce qui concerne le rock progressif plus académique, il est un nom dont les résonnances, faussement graalesques pour d’aucuns, appellent à une adulation presque intégrale des sphères progressives actuelles : The Pineapple Thief. L’air de rien, en bientôt quinze ans, le quartet s’est construit une solide réputation externe à l’hexagone, en particulier au sein de l’Angleterre, d’où il est issu. Au point tel que pour beaucoup de leurs compatriotes, cette nouvelle offrande était avant sa sortie l’une des plus attendues de l’année 2012. Il faut dire que le précédent ouvrage, Someone Here Is Missing (2010), avait fait grande impression auprès des nombreux amateurs de, entre autres, Muse, Porcupine Tree ou même Riverside.
A priori, tous les ingrédients sont réunis pour faire de The Pineapple Thief une sérieuse alternative aux noms précités. Sans conteste, leur rock progressif est de qualité, tantôt violent, tantôt ataraxique, toujours doté de belles mélodies et d’un sens aigu de la composition. Reste un couac, des plus majeurs : le manque originalité. La force identitaire de The Pineapple Thief n’est pas plus imposante que celle d’une souris paralysée entre deux éléphants. Au fil des ouvrages depuis 1999, Bruce Soord n’eut de cesse de capter les modes progressives pour les retranscrire à sa sauce. Malheureusement, cette dernière n’a pas plus de saveur que celle d’une délicieuse bière éventée depuis quelques jours. Et All The Wars vérifie une nouvelle fois ce douloureux apophtegme. Certes, les morceaux sont agencés avec tact et délicatesse. Certes, rien n’est à reprocher à la production, fignolée. Mais, bougre diable, tout ceci est bien trop lisse !
Au-delà des morceaux ne se réfléchit aucune émotion durable, aucune réelle sympathie pour telle ou telle composition. L’auditeur ressort inévitablement frustré, touché par une carence indéniable en identité sonore, au moins autant qu’en vitalité. L’ensemble est bien trop mou, traîné par la voix faussement mélancolico-lancinante de Soord, que le titre soit énergique ou non. Vous remarquerez qu’il prononce chacun de ses mots durant environ vingt secondes…
Cependant, alors même que l’écoute de l’album s’achève dans la frustration la plus totale, avec cette ignoble impression d’être passé totalement à côté d’un magnifique moment, le cd bonus de l'édition limitée inverse la tendance. En son sein crapahutent des covers acoustiques des chansons d’All The Wars. Qu’on se le dise : avec l’acoustique, The Pineapple Thief touche du doigt un style bien plus réjouissant. Peut-être même de quoi résoudre son éternelle crise identitaire. Soudainement, chacune des compositions tombe ici sous le sens. Peut-être est-ce dû à la répartition différente des morceaux ? Une chose est sûre : les arrangements des cordes ont bien plus d’impact lorsqu’ils accompagnent la simplicité bienveillante des accords folk de la guitare de Soord. S’il fallait succomber à The Pineapple Thief, ce serait au détour de ce disque bonus.
All the Wars : 6/10
More Wars - The Acoustic Sessions : 8/10
Note globale : 7/10