Jugé trop avant-gardiste par Edgar Froese, Klaus Schulze est remercié et part fonder Ash Ra Tempel aux côtés de Manuel Göttsching et Hartmut Enke. De son côté, Conrad Schnitzler crée Kluster avec Hans-Joachim Roedelius et Dieter Moebius. Désormais seul, Froese, des idées plein les neurones enfumés, songe aux rêves mandarins à venir. Le synthétiseur VCS-3 (abréviation de Voltage Controlled Studio with 3 components), lancé en 1969 par la firme E.M.S, lui attire les oreilles. Il sera l’un des premiers à exiger son utilisation ; Pink Floyd ne se décidera que deux ans plus tard pour Dark Side Of The Moon. De fait, ce deuxième album en devenir ne reposerait plus sur l’utilisation industrielle, presque métallisée de la guitare et de la batterie : Froese a en tête la création d’une nouvelle sorte de musique, plus atmosphérique, plus cosmique. Il recrute le batteur Christoph Franke et son VCS-3 prêté par la WDR, Steve Schroyder s’ajoute au line-up grâce à ses techniques et sonorités nouvelles à l’orgue. Appuyés par Roland Paulyck (synthe VCS-3) et Udo Dennebourg (flûte), ils entament l’enregistrement du premier opus de musique de l’espace de l’histoire, au nom révélateur : Alpha Centauri.

Alpha Centauri est une étoile aux caractéristiques très spéciales, proches du soleil. Sa couleur, sa forme et sa température sont similaires à celles de l'astre dominant : de ce fait, les chercheurs la considèrent peu à peu comme une sorte de soleil bis, capable de fournir la vie aux planètes alentours… Elle est une des principales raisons qui poussent à penser qu’une vie extra-terrestre est possible et même probable. Ainsi, la dénomination par Froese du second album de Tangerine Dream, de l’appellation de cette étoile, n’est pas anodine. Il veut non seulement créer, mais aussi prouver l’existence d’un art sonore extraterrestre, et l’arrivée des nouvelles technologies en termes de synthétiseurs lui offre cette opportunité. Toujours maître des expéditions, il règle sa fusée et entreprend l’un des premiers voyages cosmiques musicaux du vingtième siècle.

Si les propriétés de l’étoile Alpha Centauri, soit la température, la couleur et la forme, se rapprochent de celles du soleil, l’atmosphère déployée par Tangerine Dream pour la décrire ne s’en rapprochent pas le moins du monde. Tout, dans Alpha Centauri, n’est que froideur aquatique, ambiances bleuâtres grisonnantes, finalement à l’image de l’artwork. Les nappes d’orgues, omniprésentes, aident à la mise en place de l’univers planant, où science-fiction se mue en science-réalité. Bien avant « Shine On You Crazy Diamonds », il y avait Alpha Centauri. Les influences vont dans les deux sens. Peu à peu, Tangerine Dream prend à Pink Floyd ses structures et son professionnalisme, Pink Floyd prend à Tangerine Dream sa technologie et sa rêveuse folie.

Dans la danse cosmique, flûte, guitare et batterie apportent rythmique et consistance à un tout très cinématographique, préfiguration directe des futures bandes-sonores du groupe pour divers films. Contrairement au premier album, il fait bon se perdre dans Alpha Centauri, au détour des rêveries intersidérales développées par Froese & Cie. Mention spéciale à « Fly And Collision Of Comas Sola », bonne alternative à ceux trouvant la musique d’Hawkwind trop répétitive et pas assez extrême. Dommage simplement que la production ne soit pas réellement à la hauteur du projet, mais il s’agit tout de même là d’une première réussite.
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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Benoit Baylé

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