N'y allons pas par quatre chemins : la nouvelle mouture du membre le plus original et déjanté du ASAP Mob est une énorme déception.
Depuis quelques années déjà, Ferg a affirmé sa personnalité versatile, capable de se glisser dans la peau de plusieurs personnages, d'alterner entre le chant et le rap, du plus technique au plus trappy. Des capacités uniques qui ont laissé nombre d'observateurs pantois, au point que certains prophétisaient que Fergy allait ravir la couronne à Rocky.
"Trap Lord" était une vraie démonstration de l'immensité du talent de ce big boy de Harlem qui a frappé très fort avec "Shabba" et "Let It Go", tout comme "Hood Pope" et "Cocaine Castle" dans un autre registre.
Sur "Always Strive and Prosper", rien de tout cela, malheureusement. La première partie de l'album, simulacre de suite logique au premier album, est dénuée de single du même acabit que ceux cités précédemment. "Rebirth" et "Hungry Ham" sont tout juste énervants, et quand on sait que ASAP Yams, le véritable cerveau du groupe, avait en son temps déconseillé à Rocky la collaboration avec Skrillex, on se dit que le pauvre doit se retourner dans sa tombe. Mort trop tôt, il n'est plus là pour brider les excès des deux front-runners du Mob et leur proposer une véritable vision artistique d'ensemble. La confirmation arrive juste après avec "Strive", single dancy à la mélodie piano convenue tout droit sortie des années 2000, assaisonné d'un featuring tout à fait superflu avec la légende Missy Eliott, qui aurait mieux fait de rester à la retraite malgré sa bonne prestation technique. "New Level", le single trappy assisté de l'omniprésent Future, laisse sur sa faim : sorti un peu avant l'album, on se disait que si Ferg avait réellement passé un nouveau palier comme il le prétend, le son aurait tapé encore plus fort. Dommage, car le potentiel est là, évidemment. "Yammy Gang", le posse cut bienvenu de l'album, est tout juste passable, loin du niveau de "Full Metal Jacket" ou même "Hella Hoes". Etonnamment, "Swipe Life" (feat. Rick Ross) fait bien le taf et "Uzi Gang" passe encore, sans toutefois casser des briques.
Bien sûr, la véritable chanson de l'album est sans conteste "Psycho", superbe hommage au boom-bap new yorkais des années 90 agrémenté d'une introduction à la fois rageuse et mature à l'enfance du narrateur, marquée par les faits d'armes d'un oncle un peu trop envahissant et instable, véritable contre-modèle à travers lequel Ferg s'est construit. L'enchaînement de ce morceau avec un retour à la trap super efficace sur "Let It Bang" est sans conteste le climax de l'album. La collaboration avec l'inénarrable ScHoolBoy Q, "go-to guy" du ASAP Mob pour les featurings qui claquent, s'imposait tant leur histoire avec leurs oncles respectifs sont semblables et l'alchimie qui se dégage ici est indéniable.
Voilà pour cette première partie en demi-teinte. La suite est d'autant plus moyenne. "Beautiful People" et "Let You Go" constituent des testaments intéressants de la nouvelle maturité du rappeur, plus réflexif qu'auparavant. Ferg s'écarte ici de son registre habituel pour expérimenter une approche plus introspective fondée sur un story-telling assez inattendu. Ces morceaux sont révélateurs de la faculté de Ferg à se réinventer en permanence, mais après le goût d'inachevé que laisse la première partie très moyennement réussie, on aurait sûrement préféré que Ferg commence par faire bien ce qu'il sait faire avant de passer à autre chose. "World Is Mine" est moyennement catchy, avec un Big Sean un peu trop gentil. Enfin, "Grandma" serait bien passé après "Psycho" dans le registre familial, mais n'est pas du tout à la hauteur d'un final d'album de Ferg.
Finalement, à part trois morceaux complètement dégueulasses - n'ayons pas peur des mots - c'est donc un album moyen qu'ASAP Ferg nous livre pour sa deuxième mouture très attendue, prouvant une bonne fois pour toutes qu'il est capable du meilleur ("Psycho / Let It Bang") comme du pire ("I Love You"). Bienvenue à lui au panthéon des rappeurs qui s'effondrent après un premier projet solo bien réussi. Il sera en bonne compagnie, certes, mais on attendait vraiment mieux compte tenu du talent sans bornes du Trap Lord qui nous annonçait carrément son ascension à un "New Level". On espère un rattrapage imminent, pourquoi pas avec une mixtape qui renouerait avec les ambitions d'un jeune loup qui a encore tant de choses à prouver.