Un rêve américain en déliquescence

Baaaaaah encore un album de reformation ! La reformation d’un groupe qu’on n’a pas eu le temps d’oublier en plus. Y’en a marre des reformations ! On veut de la niou music ! De la niou music !
C’est fou comme les sketchs des Inconnus ne vieillissent pas et peuvent être réutilisés pour n’importe quel sujet de notre époque. Parce qu’on ne peut pas dire que des styles nouveaux et fédérateurs (donc en dehors des niches) soient apparus dans cette dernière décennie. C’est pour cette raison que ce retour de la chose de James Murphy est à l’image de ma démarche de recyclage des répliques humoristiques. Toutefois, le bonhomme fait ça depuis ses débuts et fut même très convainquant en l’espace d’un album et demi. Alors pourquoi ne pas lui laisser sa chance ?


En vérité, tout ce qui fait la sève de ce Rêve Américain pourrait être résumé sur « Oh Baby ». Une énorme ouverture nous rappelant que le dance-punk des années 2000 n’est pas qu’une histoire ancienne. LCD Soundsystem n’est plus seulement électronique, ils font de la synthpop. Un genre qui fut longtemps ringard avant d’être, finalement, particulièrement vivace de nos jours. Les synthétiseurs des années 1980 partagent de nouveau notre vie mais sans l’insouciance de cette période révolue. On est devenu cyniques et même particulièrement blasés. Un aspect dépressif se nichant dans la voix et les paroles de Murphy. En bon post-capitaliste épuisé par tout, il approche de la crise de la cinquantaine et nous fait participer à sa psychothérapie. Une séance durant près de soixante-neuf minutes. Ce qui reste très court pour soigner les maux de l’esprit. Mais très long pour écouter de la musique en ces temps où il est devenu impossible de ne pas se presser.


American Dream sent donc bien son époque malgré ses moyens anachroniques (les plus vieux diront qu’on assiste à un retour de la new wave). Ce qui signifie qu’il s’agit d’un défaut ou d’une qualité selon de quel côté de la barrière on se situe. Car il sent la fatigue. Une immense fatigue qui peut paraître surjouée de la part d’un roublard tel que James Murphy (le mec continuant de pomper Bowie et Brian Eno tout en en ayant absolument rien à carrer).


Seulement, même si tout est dit sur ce premier morceau, décidément pas loin d’être magistral, il y a d’autres pistes qui valent le coup. Du disco (« Other Voices » et « Tonite ») et du post-punk (« Emotional Haircut ») pour faire danser vos convives ainsi que des montées en puissance dont les dernières minutes deviennent vitales (« Call the Police » et ce « How Do You Sleep » au rythme final percutant).


Après, est-ce que ce skeud est meilleur que This Is Happening ? Parce que si son esprit me le rend plus sympathique, je n’en suis pas certain. Les défauts restant les mêmes : des morceaux à la durée effarante (le clairement ennuyeux « Black Screen » à l’interminable et ridicule coda) et qui ont la vilaine manie de tourner en rond (le morceau titre dont les synthés deviennent rapidement épuisants).
Du coup, c’est un peu la même histoire qu’avant. James Murphy sait encore écrire, occasionnellement, de grands morceaux, mais il allonge trop souvent la sauce, même quand il détient juste une idée potable. Cependant, ce n’est pas comme si on ne savait pas que la formule magique de son premier effort s’était éventée.


Bien entendu, si vous suivez un minimum la presse branchée, vous connaissez American Dream et peut-être que vous l’adorez aussi. De toute manière, tout le monde aime Murphy, même quand il fait dans la facilité (car si on veut être lucides deux secondes, il avait tout dit dès le départ, la suite n’est qu’une manière de tabler sur une recette toute faite quitte à se répéter lourdement). Néanmoins, que je le veuille ou non, on est probablement devant un disque générationnel. Saisissant parfaitement l’air du temps (c’est la fin de tout, notre dance music est neurasthénique sans être émotionnelle) et qui sera donc la BO de la vie de beaucoup de gens.
Il faudra quand même penser à passer à autre chose par la suite. Puisque moi, je veux bien un peu d’émotion dans la niou music !


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 22 nov. 2017

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