Au crépuscule de la musique contemporaine.
Je n'ai pas lu grand-chose sur cet album, je l'ai découvert grâce au site, en même temps que l'existence de ce "supergroup". Je vois que la critique est mitigée, et je
comprends la nature des reproches. C'est un album de Yorke et Godrich, je suis d'accord, Flea et le reste sont un peu là pour marquer le coup.
C'est trop électronique, et le programming, c'est le Radiohead, vieux d'une dizaine d'années, ça n'a rien d'original.
Et pourtant.
De toute ma vie, c'est le premier album qui m'a donné envie de pleurer (c'est arrivé à partir de Reverse Running, et après durant les 44 minutes de réécoute de l'album).
Et pas seulement en réaction aux lignes de chant de Thom, des mélodies hypnotiques des machines, des quelques changements inaperçus et symbiotiques dans les mesures,
ou des rythmiques complexes, fluides, dansantes, vibrantes, éclatantes...
C'est surtout parce qu'en écoutant Amok, je n'ai fait qu'entendre la fin de l'histoire de la musique contemporaine. Criez autant que vous le voudrez, je ne parle pas en théoricien
pur et fin Manoeuvre du rock et ses variantes, je vous parle avec une émotion jusqu'alors inconnue, celle d'être envoûté et angoissé à la fois. Envoûté par la possibilité suprême de l'Electronique, d'accompagner une chanson avec autant de Volupté qu'un orchestre philharmonique, avec pour lui rivaliser la maîtrise de la sobriété. Angoissé à l'idée de ne pas réussir à imaginer de musique plus forte dans l'avenir. Plus forte dans sa faiblesse: celle de ne proposer en guise de morceaux que des états passagers, des possibilités, des structures basiques qui évoluent dans la continuité, sur un mince mais riche fil musical, sur lequel Thom Yorke fait
le funambule, qui somnambule, fait déambuler toutes ses cordes, au-dessus de clapotis incessants, ou d'échos de vides, ou de vapeurs soupirantes...
Les chansons ne sont que des longues phrases passagères- conclues par de simples évanouissements-, des lents souffles ivres et contemplatifs, de joie et de fin du monde.
Cet album est aussi la synthèse des courants actuels de plus en plus mainstreams tels que la Glitch pop, l'IDM, la Synthpop ou encore la Chillwave... Mais tout y est pressé et concentré dans la modeste galette, tout le tour en est fait, tout y est sublimé, et achevé. Difficile d'imaginer qu'il en restera plus que le zeste d'Atoms for Peace dans l'avenir.
Dans toute sa skyzophrénie, les larmes qu'attirent Amok sont retenues par des sourires, ou des frissons.