Musique expérimentale rime trop souvent avec prétention et ennui pour que j'aie encore envie, après quarante ans passés à écouter du "rock" quotidiennement, de perdre mon temps et mon énergie à suivre les dernières idées à la mode, idées qui se révèlent rapidement pénibles (du type Animal Collective), ou pire encore à m'accrocher à des gens qui n'ont plus rien à dire depuis plusieurs décades, comme Radiohead... Et puis voilà que déboule cet “An Awesome Wave", de ce groupe au nom bizarre et un peu trop tendance, un album rempli à ras bord d'une musique qui ne ressemble à rien : soit trop d'influences (néo-folk, électro, ambient, fluo, etc. etc.), soit pas du tout ; peu de mélodies facilement mémorisables, et pourtant un flux ininterrompu de chansons qu'on jurerait plus pop que les plus pop, même si l'on n'y discerne ni refrains ni couplets ; un chanteur à la voix acide, voire aigre, dont tout le monde - je ne sais par quel miracle - vante la tessiture "moelleuse"... Au final, et dès la première écoute, le sentiment émerveillé d'assister encore une fois à la naissance de la Beauté, au retour de l'émotion laminée par l'usure du temps : et le fait d'avoir envie de clamer que la Musique (majuscule) peut toujours advenir, malgré les couches de plus en plus étouffantes de banalité qui nous ensevelissent, jour après jour. Oui, "An Awesome Wave" - titre mensonger - est tout sauf un tsunami qui nous engloutirait, c'est au contraire la douce respiration de la vie qui gonfle à nouveau nos poumons asséchés, et qui nous mouille un peu les yeux. [Critique écrite en 2012]