Anastasis par Cyrille Delanlssays
Il y a des groupes dont le culte n’en finit pas de grandir. Pour DEAD CAN DANCE, sept albums avaient suffit pour forger les contours d’une musique envoutante, portée par la voix suave de Brendan Perry et celle, en lévitation, de l’immense Lisa Gerrard. Cet art consommé du mélange des genres, sans paillettes ni feux follets, avait culminé sur Into The Labyrinth (1993) avant d’abandonner la course avec un Spiritchaser (1996) un peu làs.
Depuis, chacun avait tracé sa route. Perry ne retrouvant les chemins des studios qu’en 2010 avec le sombre Ark, préférant vivre loin du foin médiatique dans sa chapelle de Quivvy Church en Irlande. A l’opposé, Lisa Gerrard aura navigué de projets en projets avec une élégance folle, offrant ses talents de compositrice et ses vocalises de magiciennes à de nombreuses bandes originales (« Heat », « Whale Rider » et surtout « Gladiator »), des aventures connexes (avec Jeff Rona ou Klaus Schulze) et des albums solo d’excellente facture (The Silver Tree en 2007 et le troublant Black Opal en 2009). Mais le vide laissé par le silence de DEAD CAN DANCE restait assourdissant. Et après une réunion exceptionnelle pour la tournée des grands ducs (tarifs quatre étoiles) en 2005, les rumeurs d’une reformation hypothétique avaient filtré... et pourtant !
16 années. Il en aura donc fallu de la patience pour aborder un nouvel opus signé du duo surdoué. Sans calcul, le retour aux affaires est donc officiel et Anastasis (« Résurection » en grec) présenté dans son écrin éblouissant de noirceur. A l’image de cette musique dont les frontières entre incantations et folklore sont toujours aussi ténues. L’histoire est belle. A l’image de « Children of the Sun », majestueuse composition qui entame les retrouvailles et prouve que Brendan Perry conserve une langueur d’avance. Le temps s’efface et recouvre les années avec ses arabesques rodées (« Anabasis »), ses ténèbres d’une froideur envoutante (« Amnesia ») et ses envolées enivrantes (« Opium »). D’une richesse sonore éblouissante (les influences moyen-orientales sont complétées par les folklores grecs, turques et nord africains), l’album pêche parfois dans l’excès de confiance avec quelques embardés un tantinet complaisantes de world music (« Agape », « Kiko »). Rien toutefois qui ne puisse vraiment ternir cette œuvre subtile qui ne souffre pas des limites d’un retour providentiel : « Return of the She-King » et son souffle épique et a contrario le minimalisme de « All In Good Time » synthétisent le propos. On regrettera que Perry et Gerrard n’usent pas plus de leurs harmonies vocales, préférant se contenter de chanter quasiment exclusivement chacun de leur côté. Si l’on a parfois le sentiment de perdre un peu de la magie d’antan, le talent déployé sur cet Anastasis dépasse largement le stade de la reformation par simple intérêt. Et l’énorme tournée qui s’ensuivra devrait asseoir un peu plus ce très bel album.