Il y a quatre ans sortait Scratch My Back, le premier album rock en format commerce équitable. Le projet avait de la gueule : Peter Gabriel aux manettes pour interpréter une poignée de chansons qui l’avaient « inspiré » en échange de quoi les artistes de ces mêmes chansons devaient, sur un second album, lui rendre la pareille. Scratch my Back and I’ll Scratch Yours... le résultat, beau, profond, n’avait pas soulevé les foules et refroidi quelque peu ce subtile système de retour d’ascenseur. Une tournée symphonique, un anniversaire de l’emblématique So et une année sabbatique plus tard, voici donc le second volet de ces gratouilles musicales.
En chemin, Peter Gabriel aura égaré quelques amis promis : Radiohead a décliné après avoir entendu la version Gabriel de « Street Spirit », David Bowie a esquivé, remplacé ici par Brian Eno qui avait co-écrit le fameux « Heroes » repris sur le premier disque, Neil Young et Ray Davies (des Kinks) se sont faits porter pâles, remplacés par Feist (« Don’t Give Up ») et Joseph Arthur (« Shock the Monkey »). Un accouchement compliqué, un mouvement cahoteux qui se ressent également à l’écoute d’un album dont chaque titre essaye d’épouser le style de l’interprète pour le meilleur (« Biko » version Paul Simon, une splendeur acoustique) et pour le pire (« Solsburry Hill » massacré par le caverneux Lou Reed ou « Not One of Us » siphonné par Stephin Merritt).
Il émane malgré tout de l’ensemble une lumière, un sentiment de fascination qui doit certainement aux titres sélectionnés et à une production époustouflante. Surtout, ces chansons revisitées conservent leur personnalité et vont au-delà de la simple célébration où la réinterprétation se calquerait purement et simplement sur le modèle original : « I Don’t Remember » sous l’influence technoïde de David Byrne, « Blood of Eden » mélodramatisé par Regina Specktor, « Games Without Frontier » démantelé par Arcade Fire sonnent frais, sans far.
Et même si ces versions ne dépassent jamais leur maître étalon, elles prouvent à quel point Peter Gabriel est un compositeur moderne qui sait faire gloutonner ses influences extrêmement diverses.