Un jour, il n'y a pas si longtemps, je me suis dit : "Tiens, il faut que j'écoute des disques de merde." Beaucoup.
Plusieurs raisons à cela, qui ne me sont venues qu'après coup :
- J'ai écouté beaucoup de bons disques, beaucoup de trucs chiants aussi, mais quasiment jamais de merdes. Il faut bien commencer un jour.
- On apprécie beaucoup plus les bonnes choses quand on connaît les mauvaises. Sans souffrance, comment prendre la mesure de la joie ?
- Augmenter ma résistance mentale et psychologique. Après un petit déjeuner Justin Bieber, aucune des merdes de la journée ne peut plus t'atteindre, bro'.
- Pouvoir jacter en connaissance de cause, avec citations et dissection de l'oeuvre à l'appui.
- Mettre des notes de merde sur Senscritique, parce qu'il en faut, aussi.
Alors j'ai écouté Nicki Minaj, je me suis pris la tête à deux mains et me suis beaucoup énervé.
J'ai écouté Blood on the Dance Floor, je me suis marré, mais à la longue, c'est la consternation qui l'emporte.
J'ai écouté le premier Lorie ; passée la triplette introductive rigolote que nous connaissons tous, force est de reconnaître que c'est fécal.
J'ai écouté Justin Bieber, j'ai trouvé ça mauvais, mais pas forcément autant qu'on veut bien le dire. Inintéressant mais plus écoutable que beaucoup de trucs dans le genre.
J'ai réécouté Zookey, j'ai rigolé, j'ai bougé mon cul en me prenant pour un strip-teaser africain, et j'ai mis 2, faut pas déconner.
J'ai écouté Hollywood Undead, j'ai trouvé ça débile et grotesque.
J'ai écouté Carly Rae Jepsen, j'ai dansé avec le sourire sur Call Me Maybe, et ai trouvé le reste à chier.
Et là, aujourd'hui, je me suis dit : "Au tour de Ke$ha". J'ai démarré l'écoute avec beaucoup de crainte et de circonspection. J'ai trouvé le premier morceau à chier.
Puis vint Tik Tok. J'ai dansé en repeignant mes chiottes (oui oui j'effectue mes travaux ménagers en écoutant Ke$ha). Et puis, et puis, et puis... Les morceaux défilent, je trouve ça profondément débile mais tellement rafraîchissant. J'ai rigolé comme un zouave. Je me suis dit : je vais mettre 3. Puis 4. Peut-être 5 ; et je me suis dit que ce n'était pas possible, qu'un tel machin méritait 3 ou 7, selon l'angle de vue. Considère-t-on la qualité objective ou le pied qu'on prend à écouter un disque ? (Oui, le pied. Ke$ha. Je sais, je suis foutu.)
Puis vint Dinosaur. Je ris comme une baleine.
Puis Boys and Boots. Merde, c'est trop bon !
Et là, tout est devenu très clair dans ma tête.
Non seulement ça n'allait pas être 3, mais ça n'allait même pas être 7.
C'allait être 8. Quitte à me faire défoncer par internautes et facebookiens (oui, je sais, c'est la même chose), ou me prendre une flopée d'unlike sur cette pseudo-critique (si tant est qu'il y a des gens pour la lire.)
Je ne sais pas comment expliquer mon enthousiasme. D'habitude, j'exècre ce genre de daubes, mais là...
Sans doute avez-vous déjà lu ou parcouru des traductions de Lovecraft. Je me rappelle de certains passages ou, pour faire prendre la mesure de l'horreur au lecteur, HPL ne la décrit pas ; il la suggère, il utilise le terme "indicible".
Je me sens un peu dans le même état d'esprit.
Je ne peux pas vous expliquer pourquoi ce disque m'a ému. Alors, pour vous faire prendre la mesure de la "qualité" de l'objet, je ne vous le décrirai pas ; je me contenterai de vous suggérer de l'écouter en entier, et utiliserai le terme "inexpliquable".
Donc oui, non seulement je mets un beau 8 à Ke$ha, mais en plus je me permets de poser une comparaison foireuse avec Lovecraft qui, peut-être, à cette heure, se réveille parmi les morts.
On ne respecte plus rien, tout fout le camp.
Et j'assume.
Merci de m'avoir lu. Maintenant, vous pouvez m'insulter.