Anomalie
5.4
Anomalie

Album de Louise Attaque (2016)

Louise Attaque fait parti de ces groupes français qui incarnent le mieux le rock hexagonal. En réalité, ils sont les seuls capables de tutoyer, dans ce domaine, les Noirs Désirs sans craindre un « je n'aime pas ». Presque 20 ans après leurs débuts, inoubliables, faut-il le rappeler, Louise Attaque est de retour, après une décennie entière de pause. Décennie qui fut occupée par d'autres projets mais également par une vie au ralentie du groupe : best-of, concert, apparition.
Une pause de 10 ans laisse des traces et il aura fallu la folie des hommes et le massacre de Charlie Hebdo pour donner la motivation au groupe de se reformer, sans son batteur originel cela dit. On a trop tendance à oublier le partie pris artistique de ce disque qui fut conçu dans une sorte d'urgence musicale et d'incompréhension humaine. L'Insouciance et Du Grand Banditisme font clairement écho à cette situation et il ne faut pas s'étonner, dès lors, qu'ils s'agissent des meilleurs pistes de ce disque.
J'ai entendu globalement deux discours sur cet album : Ou bien ce n'est pas Louise Attaque ou bien les auditeurs oublient que le groupe évolue. Je pense que la seconde position confond l'évolution et le travestissement. Et je pense que bien entendu, Louise Attaque a évolué et que ce disque respire cette évolution. Je pense aussi que ceux qui n'y trouvent pas leur Louise Attaque doivent se rappeler que là où les premiers disques étaient dans un climat de fête, ce dernier est dans un climat d'urgence et d'angoisse.


Anomalie est donc un album qui respire l'angoisse, la tristesse, le désespoirs et les tourments. Respire ? Sauf la première piste, éponyme qui semble tailler pour la radio et propose un vague son de Coldplay bien médiocre. Avec des textes assez faibles, survolant les réelles possibilités de Gaëtan Roussel et un fond sans grand intérêt. Le tout porté par des refrains entêtant et une sonorité éléctro travestissant totalement l'esprit Louise Attaque (qui doit sonner vivant et non artificiel). Anomalie ouvre l'album mais ferme les cœurs. On comprend dès lors que les fans se sont sentis trahis.
Il faut dire qu'Anomalie révèle aussi le gros problème de ce disque : les paroles sont loin d'égaler la poésie passée. Une poésie qui est pourtant plus que nécessaire dans ces heures sombres. On regrettera le peu de travail et de soin apportées sur celles-ci.
J'ai donc envie de dire que même si la joie a été remplacée par une forme d'angoisse et d'urgence, si les sonorités ont un peu évoluée, c'est surtout l'écriture qui a baissé ici. Du Grand Banditisme, par exemple, respire totalement cette puissance, cette urgence, mais aurait mérité des paroles plus puissantes également. Plus de profondeur, plus de détails voyons ! Pourtant musicalement ce minimalisme est efficace et porteur. Un temps très fort de l'album. Bien sur, on connaît tous le séisme et ce banditisme dont Louise Attaque parle. C'est la même que dans la Chute avec le fait de tomber, le fait d'entendre les bombes. La différence étant que la Chute virevolte, agresse rapidement et offre un contraste avec ce discours idiot de dire que Louise Attaque n'existe plus ! Ho que si ! Et la Chute en est sa plus belle preuve. Il s'agit également d'un beau texte de Gaëtan Roussel.


Mais le titre le plus concentré sur le terrorisme, sur la survie derrière est sans aucune hésitation L'Insouciance. Mélancolique, long, répétitif, le titre parvient à faire comprendre le vide que l'on peut ressentir face à cette actualité. Si je trouve que Gaëtan Roussel aurait pu écrire un texte un peu supérieur quand même de par la longueur du morceau, on ne peut nier une belle performance ici. Un des rares morceaux digne d'intérêt après un tel événement.


Chaque jour reste le nôtre est, pour sa part un titre assez habituel pour du Louise Attaque. Pas incroyable, ni marquant par sa recherche musicale, ni par son texte, rien pour autant ne trahit l'esprit Louise Attaque. Le titre manque de grandeur mais offre une douceur qu'on connaît bien chez Louise Attaque. On se laisse alors bercer par un système qu'on connait bien.
Autre moment de douceur, Un peu de Patience clôture l'album avec de l'acoustique bien sympathique. Pas folichon, pas incroyable du tout, le titre est pas mauvais mais, comme souvent chez Louise Attaque, montre une difficulté à tenir la fin de l'album.


Dans la catégorie « j'assume un nouveau son » A l'Intérieur se pose assez bien. Texte cohérent mais sans réel intérêt. Idem pour la musique, la chanson et tout ce qui va avec. Sans être un travestissement c'est, en tout cas, une absence de maîtrise réelle. Ce titre reste oubliable finalement. Pas très intéressant.
Très calme, Les Pétales est également dans cette nouveauté sonore. Sauf que derrière un texte sur-volé dans l'écriture, on a un refrain un brin trop pop là encore. Non, clairement, Louise Attaque a du mal avec ce virage moderne qu'ils veulent atteindre.
Avec le Temps lorgne également vers une musicalité nouvelle mais Gaëtan Roussel offre, en contre-partie un texte et une structure propre à Louise Attaque. On reconnaît réellement le Louise Attaque d'avant mais moderne. Il ne faut pas dire que Louise Attaque ne sait pas évoluer, mais le groupe n'y arrive juste pas tout le temps. Et Avec le Temps prouve que c'est parfois pour le mieux que l'évolution s'installe.
Il n'y avait que Toi ne parvient pas à réussir aussi bien la mixité des genres, on reconnaît bien le Louise Attaque du passé et même si on peut apprécier la modernité, elle peut aussi ne pas nous convaincre. Un peu vague en sommes, pas mauvais, pas parfait.


On regrettera également, de manière générale, la brièveté de l'album ainsi que les structures très pauvres, souvent du type couplet/refrain en boucle. On regrettera également que malgré les thématiques très fortes et malgré la beauté de certains morceaux, on ne puisse pas jouir de textes qui devraient être digne des propos (Le Grand Banditisme plus que les autres).
On a donc des temps très forts marqués par Le Grand Banditisme, La Chute, Avec le Temps et des moments de calme comme Chaque Jour reste le Nôtre et L'Insouciance (véritable œuvre centrale) qui resteront longtemps comme des références et montrent que Louise Attaque peut se moderniser, regarder vers le passé, évoluer, changer et rester le même. A côté de ça, on a également une tendance pop totalement râté, un son électro mal maîtrisé avec, bien sur Anomalie, single anti-album au possible, mais aussi Les Pétales et A L'intérieur.
Même si les mauvais moments du disques sont minoritaires, le fait qu'il soit si court les rend plus important. Il faut aussi souligner qu'il s'agit de grosse déception et d'un sentiment de trahison. Pour autant, de par son importance, son propos, on peut dire que fondamentalement Louise Attaque parvient à bien réussir sa transition et son évolution.
Je garde cependant une petite rancune contre Anomalie, cette tentative d'exagérer un son électro, des textes pas assez élevés par moments, des structures trop souvent pauvres et aussi le nombre très limité de titres. Donc malgré que j'ai été réellement séduit par la moitié de l'album, je pense que mon 7 est justifié.

mavhoc
7
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le 14 févr. 2016

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