Un rock anglais fougueux et loin d'être condamné

Carl et Pete se sont réconciliés. Doherty, sorti de cure, est enfin sobre pendant ses concerts (cf. Rock En Seine). Bref, The Libertines, après douze ans d'absence et des carrières solo plus ou moins convaincantes, peuvent enfin nous présenter leur troisième album. Alors qu'on perdait espoir quant à la reformation de notre bande de Londoniens préférée après la longue série de frasques en tout genre, nous voilà ravis/fébriles/apeurés (rayer la mention inutile) à l'idée d'écouter "Anthems For Doomed Youth". En effet, deux camps s'affrontent; ceux qui s'attendent à un opus digne, sinon surpassant les précédents, et ceux qui sont convaincus qu'après une si longue absence on ne peut plus rien tirer de bon de ces bad boys. Alors quant est-il vraiment ? Retrouve-t-on vraiment les Libertines comme ILS nous avaient laissés ?


Visuellement, la pochette de l’opus est proche de celle de "Up The Bracket" (2002), les silhouettes du quatuor se dessinant sur un fond bleu et non rouge cette fois. Le titre, calligraphié, est surplombé d’un "Hallelujah day" barré, soulignant le caractère "brouillon" et spontané du groupe comme sur le premier effort studio où chaque mot était comme scotché sur la pochette. Après l'esthétique, place au fond. Toujours aussi férus de littérature, c’est tout naturellement que le titre de ce troisième essai, ainsi que son morceau éponyme, font, au -S près, écho au poème de Wilfred Owen, "Anthem For Doomed Youth", hymne aux jeunes héros de la Première Guerre Mondiale. Ici, la jeunesse condamnée est peut être celle de nos jeunes rockers-poètes et la guerre, celle qu'ils se sont livrée durant des années : "Yes we thought that they were brothers / Then they half murdered each other" chantent Barât et Doherty. Pour ce qui est des hymnes, ils sont dédiés au rock comme la fougueuse "Barbarians" ou encore l'entêtante "Heart Of The Matter", excellente dans ses imperfections et son impertinence. Son nom rappelle le roman de Graham Greene tandis que les paroles évoquent l’addiction de Doherty pour les drogues dures "With all the battering it’s taken / I’m surprised it’s still ticking". "Gunga Din" est quant à elle une référence directe au poème de Rudyard Kipling, reprenant même une partie de son dernier vers : "You’re a better man than I". Pete et Carl nous parlent de leurs addictions et de leur relation sur un fond sonore très proche de celui de leur référence ultime, The Clash.


Malgré ces bons points, "Anthems For Doomed Youth" contient quelques failles. "You're My Waterloo" se révèle être une reprise assez fade et sans surprises de la première version datant de 1999. Tandis que sur "Iceman", Pete Doherty réutilise l'un de ses anciens riff (“I Wanna Break Your Heart“). Pour finir, "Glasgow Coma Scale Blues" semble ne pas avoir demandé beaucoup d’effort, comme tiré d’un de leurs précédents disques. Non pas que ce dernier froisse l’oreille, mais il laisse indifférent.


Une seule question demeure : retrouve-t- on l'âme des Libertines dans ce dernier opus ? Les digressions, la désorganisation, la spontanéité, les guitares désaccordées, la nonchalance, bref, ce qui fait que chacun de leurs morceaux possède un charme si particulier. La réponse est complexe : produits par Jake Gosling (One Direction) "Anthems For Doomed Youth" est plus propre, plus ordonné comme on peut le voir sur "Fury Of Chonburi" avec les chœurs Barât/Doherty si parfaitement synchronisés ou encore la ballade "The Milkman’s Horse", trop millimétrée, manquant d’une certaine liberté à laquelle le groupe nous avait habitués. Pourtant, "Heart Of The Matter" et “Fame And Fortune“ ont la nonchalance d'un "Can’t Stand Me Now" et dieu, que c'est bon !


Ce troisième effort s’avère donc être une très bonne surprise. Même si l'on regrette les imperfections des précédents albums qui rendaient leurs titres si impétueux et justes, on retrouve The Libertines presque comme ils nous avaient laissés. On ne peut par ailleurs que s'incliner devant ces paroles poétiques élevées dans les hauteurs d'un rock anglais fougueux et loin d'être condamné !


Chronique RuL

Neelic
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le 2 oct. 2015

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