Qui se souvient d'un temps où la jangle pop était originale ? Certainement pas moi, j'étais pas né. Il faudrait sans doute remonter à ses origines au début des 80's, et encore je suis sûr que dès la fin de la décennie ça commençait déjà à casser les couilles. Et 2017, le revival eighties n'a toujours pas cessé de pondre des dizaines et des centaines de formations éphémères qui se suivent et se ressemblent trop, et voir arriver un groupe affublé de certaines étiquettes suffit souvent à me faire pousser un long et douloureux soupir. Alors forcément quand un groupe comme Alvvays débarque avec écrit sur son front en lettres capitales JANGLE (ouch), TWEE (aïe), SHOEGAZE (argh!), DREAM-POP (grmf) ou autres INDIE-POP (ciel!), je me pose immanquablement la question de ce que ces gusses peuvent bien encore avoir à dire, aujourd'hui, dans ces sentiers déjà mille fois rebattus - pour rester poli. Et ma foi, dans le cas de Antisocialites, la réponse à cette question m'aura occasionné un sérieux cas de Remise en Question bien carabiné.
Alvvays, avec ses pédales d'effets étudiées, sa production savamment éthérée, les écho chatoyants de ses claviers et son chant batifolant joyeusement le long de la frontière fine entre taquin et langoureux, est-il original ? Antisocialites, avec ses clins d'œil, ses hommages et gimmicks à tout va, est-il pertinent ? Non et non, mon capitaine. Et pourtant, je l'adore. Pourtant, je fais exprès d'écrire le plus lentement possible les lettres composant les mots de cette chronique sur ma feuille de brouillon pour avoir le plaisir de pouvoir écouter l'album en boucle à mesure que je formule mes idées. Sans doute posé-je les mauvaises questions.
Alvvays est-il frais ? Me fait-il sourire dans le métro, siffloter sous la pluie, danser sous la douche ? Oui, mille fois oui. Alvvays fait même plus que me prouver que l'originalité ne fait pas tout (ça j'en suis convaincu depuis bien longtemps), ils me rappellent surtout les raisons pour laquelle j'apprécie ces genres à la base. C'est ça qui devrait être le but de chacun de ces groupes qui émergent d'on ne sait trop où : réussir à chatouiller le fondement de mes amours pour cette pop, comme si eux-mêmes venaient de l'inventer. Sur "Hey", Alvvays donne une leçon de Stereolab à coup de pop kraut et psychédélique, "Dreams Tonite" est le meilleur morceau de Beach House depuis 2012, "Not My Babe" entretient plus sûrement la flamme de Slowdive que le dernier Slowdive, "Your Type" répond enfin à la question "à quoi ressemblerait un morceau mémorable de Ringo Deathstarr ?", et quand la chanteuse Molly Rankin s'envole dans les aigus sur le refrain "Saved By A Waif" je suis envahi de pensées impies. Pour sûr Alvvays ne suit pas un ethos "kill your idols" ; plus vicieux, ils essayent très fort - et avec un panache fou - de les remplacer dans mon cœur.
À quoi ça tient, tout ça ? Sans doute pas à grand chose. À quelques grilles d'accord aux virages virtuoses, à des textes fins dans un genre gangrené par les appels à la glande. À une inflexion de voix par-ci, une distorsion de guitare par-là, à une seule note divinement bien placée à la fin de "In Undertow". À un écrémage exigeant, qui voit le groupe garder uniquement le meilleur, pour seulement 32 minutes de tueries pop. Et suivant leur exemple, je m'arrêterai là, il ne s'agirait pas de vous écœurer à l'avance d'une si légère et délicieuse expérience !
NOSTALGIE ÜBER ALLES
Provenant de Xsilence