Early Years (1963 -1965) - Disc 0 :
On ne s'attend pas à des merveilles bien sûr en abordant le "disque 0" des Archives de Neil, lui-même ayant visiblement tenu à présenter ces enregistrements de jeunesse, pour la plupart très amateurs en tout cas, comme ne faisant pas vraiment partie de son "œuvre". Et de fait, entre le son pour le moins approximatif, le jeu de guitare balbutiant et la voix qui se cherche, il est difficile de discerner ici les prémisses d'un génie qui va s'épanouir de manière éblouissante quelques années plus tard. Les premiers titres avec The Squires sont particulièrement anecdotiques, instrumentaux "twang" comme il devait s'en écrire par milliers à travers l'Amérique du Nord. Et puis, peu à peu, on reconnaît des bribes de mélodies, des couplets entiers de paroles qui seront recyclés plus tard dans des chansons qui deviendront des classiques. On pourra aussi se passionner pour le travail que Neil effectue peu à peu sur sa propre voix, travail qui n'est d'ailleurs pas encore terminé en 1965.
Early Years (1966-1968) - Disc 1 :
Je n'ai personnellement jamais été particulièrement intéressé par la musique de Buffalo Springfield, un groupe qui reste à mon avis de "seconde zone" au milieu de l'explosion créative que la Californie a connu l'espace du court "été de l'amour". Ce n'est pas l'écoute de ces "Early Years" extraites des Archives de Neil Young qui vont me faire changer d'avis, tant les tentatives psychédéliques auxquelles Neil et ses amis se livrent paraissent "cheesy", forcées même, comme si ces jeunes gens encore très immatures s'efforçaient avant tout de s'intégrer dans un mouvement qui n'était pas le leur, mais seulement leur contemporain. Si l'on ajoute que les compositions de Neil sont encore erratiques - pour deux minutes miraculeuses, il y a encore bien des scories -, et que sa voix continue à peiner (comme quoi, il y a eu beaucoup de travail pour arriver à cette voix incroyable que Neil aura quelques années plus tard…), il n'y a guère de musique vraiment roborative dans ce "Volume 1" des souvenirs du Loner.
Topanga 1 (1968-1969) - Disc 2 :
Nous sommes fin 1968, et le papillon Neil Young est en train d'émerger de la chrysalide Buffalo Springfield. Le premier album éponyme , qui restera globalement atypique, posera quelques jalons du futur "son" (électrique) et de la future "inspiration" (éclectique) du Loner. Le second, "Everybody Knows…", pas encore parfait, ouvrira l'ère des chefs d’œuvre et nous emportera dans les premiers torrents du Crazy Horse. Le Disque 2 des "Archives" reprend à l'identique de larges extraits de ces deux albums, les magnifiant simplement (?) grâce à la masterisation impeccable et au support DVD incroyablement supérieurs aux versions CD généralement connues (je ne me réfère pas aux pressages vinyles originaux de chez Reprise, qui étaient d'ailleurs, si ma mémoire est bonne, assez irréguliers…)… On pourra donc honnêtement se plaindre que Neil nous refourgue ici du matériel hyper-connu et pas grand chose d'autre : des "early versions" intéressantes de "Everybody Knows…", de "Birds" et de "What Did You do to my Life?", et deux médiocres interprétations live de "Sugar Mountain" et "Nowadays Clancy…", c'est quand même vraiment portion congrue sur ce "Topanga 1" ! Il faut vraiment qu'on l'aime, le Neil !
Live at The Riverboat 1969 - Disc 3 :
Tout fan un peu observateur du Loner attendait le live "Performance Series 01", entre le 00 (Canterbury House) et le 02 (Filmore). Voici donc Neil enregistré en 1969 au Riverboat, - encore un live entièrement acoustique -, le chaînon manquant entre la pureté intense mais un rien chichiteuse et la logorrhée junkie du premier et... le 03, c'est-à-dire la magie maximale du merveilleux "Live at Massey Hall". Sans surprise (peu de titres vraiment neufs, pas mal de chansons sublimes mais archi-connues), ce set n'a plus le tremblement troublant des débuts : une sorte de mûrissement pointe son nez, sans néanmoins qu'on puisse encore parler de maîtrise (de toute façon, chez Neil, on ne devrait jamais parler de maîtrise...). Le résultat est donc un live très honorable, certes toujours trop bavard, et qui n'apportera rien de nouveau à la perspective remarquable construite par les trois premiers enregistrements.
Topanga 2 (1969-1970) - Disc 4 :
Si l'on perçoit, assez logiquement, la carrière d'un artiste comme une succession de moments distincts, illustrés chacun par un album qui est un événement en soi (et c'est particulièrement vrai pour Neil Young, ses albums ayant une fascinante tendance à être très différents les uns des autres…), ce n'est pas le moindre mérite du projet "Archives" que de reconstruire une continuité, de révéler des correspondances entre compositions et interprétations de morceaux archi-connus. De plus, en 1969, et ce beau "Topanga 2" nous le rappelle, Neil est dans une phase de créativité tout azimut, entre son Crazy Horse avec lequel il termine l'électrique "Everybody Knows…", les premières sessions qui donneront le magnifique "After The Goldrush", et sa contribution - assez réticente - au ridicule supergroupe, CSN&Y. Si l'on se plaindra encore que quasiment toutes les chansons ici sont déjà connues, on appréciera les bonus vidéos, témoignages touchants de la fin du rêve hippie.
Live At the Fillmore East 1970 - Disc 5 :
Réédition en DVD (donc avec une qualité sonore bien supérieure) dans le coffret "Archives Vol 1" de ce live incandescent… Voici ce que j'écrivais à sa parution en 2006 :
Voici donc le premier album des très attendues "archives" du Loner. Grosse déception : rien de nouveau ici, rien qu'on n'ait déjà plus ou moins entendu sur "Everybody Knows this is Nowhere" ou "Tonight's the Night"... (sauf "Wondering" ?). Relativisons : voici sans doute la meilleure version de "Cowgirl in the Sand" jamais publiée, la fameuse alchimie entre les guitares de Young et Whitten étant aussi opérante que le veut la légende. Soyons clairs, si nous découvrions cette musique pour la première fois en 2006, elle irait directement à la première place de notre classement de l'année. Seulement, "Rust never sleeps...", hein, Neil ?
Topanga 3 (1970) - Disc 6 :
On sait combien 1970 a été une année phare pour la créativité de Neil Young, l'année de "Déjà Vu", mais surtout de "After The Goldrush", le premier vrai chef d’œuvre de la longue carrière du Loner… Un "After The Goldrush" dont "Topanga 3" constitue au final une version alternative - prises légèrement différentes, ordre des chansons modifié, qualité sonore supérieure, grâce au support DVD - plaisante mais aucunement révolutionnaire. Complété d'inédits à l'intérêt pour le moins variable (on notera une superbe version de "Ohio", l'une des plus grandes chansons de Neil), voici donc l'un des disques les plus beaux du coffret "Archives Vol 1", même si on est en droit de se demander ce qu'il apporte vraiment de plus par rapport à la discographie "officielle" de Neil Young.
Live At Massey Hall 1971 - Disc 7 :
Réédition en DVD (donc avec une qualité sonore bien supérieure) dans le coffret "Archives Vol 1" de ce live vraiment exceptionnel... Voici ce que j'écrivais à sa parution en 2007 :
En 1971, entre "After the Gold Rush" et "Harvest", Neil Young est dans un tel état de grâce créative qu'il semble pouvoir marcher sur l'eau. Ce que l'on entend sur ces bandes, c'est purement et simplement l'âme nue de l'un des plus grands compositeurs du XXème siècle, à travers 17 chansons simples mais parfaites, jouées avec une sorte d'innocence - absolument imparable - que l'on ne retrouvera plus par la suite durant la longue carrière du Loner. Cette musique crée un sentiment de permanence, voire d'éternité suspendue, entre enfance rieuse ("I Am A Child") et vieillesse sereine ("Old Man"), que peu d'artistes, dans quelque domaine que ce soit, ont jamais pu atteindre. Oui, à ce point…
North Country (1971-1972) - Disc 8 :
On avait froncé les sourcils en apprenant par la presse que ces fameuses "Archives" n'étaient pas constituées en totalité de titres inédits (ou même de versions jamais encore publiées), et ce "North Country", évoquant la période féconde de gestation et d'enregistrement du gigantesque "Harvest", confirme notre scepticisme : Neil nous y propose une sorte de fantôme incomplet de son second chef d'œuvre, constitué d'extraits de ce dernier (magnifiés par le son stupéfiant du DVD), de versions alternatives - passionnante interprétation live d'un "Heart of Gold" encore non abouti, excellente exécution live en studio d'un "Words" qui se cherche encore mais est peut être plus tranchant que la version finale - et de quelques semi-inédits, allant de l'essentiel ("Soldier") à l'anecdotique ("War Song"), à peu près tous déjà connus. Bref, la démonstration parfaite que le projet "Archives" est destiné aux passionnés et pas à un grand public avide de révélations sensationnelles et d'émotions fortes.
[Critiques écrites au fur et à mesure de l'écoute des albums contenus dans le coffret "Archives Vol 1" en 2009]