L'écoute nécessaire de cette pièce d'orfèvre pop permet de comprendre l'évolution bouillonnante des Kinks, passant progressivement de vilains garçons bagarreurs interdits de séjour US à d'audacieux conteurs de cette drôle d'aventure qu'est l'Angleterre. On pensait Ray Davies résigné face à l'échec monumental du sublime Village Green Preservation Society, qui avait pour lui de surprenantes et ultra dynamiques mélodies, mais ce dernier persiste dans la chronique avec un C majuscule, de la mère patrie au bush australien.
Les textes sont brillants, les mélodies délicieuses, sorte d'élégie du cool à l'anglaise. Brillants musiciens aussi, capables de convoquer les sax, les envolées électriques qui tabassent dignes des Who (Brainwashed), le rock progressif (Australia) avec l'un des rares soli jamais signés par les Kinks, la ballade médiévale (Shangri-La) qu'on te fredonne au creux de l'oreille et qui se transforme en bouquet final explosif sans que l'on s'y attende et surtout, surtout, Some Mother's Son, bouleversante rêverie anti-guerre et probablement l'un des cinq plus grands morceaux des Kinks.
L'album sera de ce même tenant, truffé d'inattendus. Le groupe démontre ici combien leur versatilité les hissent au rang de types capables de tout jouer malgré cette dure et incompréhensible réalité les obligeant à être éternellement derrière les Beatles, les Stones, les Who et, outre-Atlantique, The Band. Les ventes ne seront pas brillantes même si Arthur, avec Village Green Preservation Society et Lola représente l'oeuvre centrale parfaite d'un trio d'opus considérés comme leurs meilleurs. Les Stones ont connu pareil cycle avec Beggars Banquet, Sticky Fingers et Exile.