Une révélation
Pour moi, qui n'avais jamais aimé (ou compris ?) Gainsbourg, ce disque aura été une révélation, un miracle. Voilà que la langue brillante de l'homme à la tête de choux, au lieu de s'empâter dans les...
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le 13 oct. 2014
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La sortie de L'Homme à Tête de Chou début 1977 offre à Gainsbourg un nouveau succès critique. On salue une nouvelle fois le concepteur innovant, l'histoire du chou-fleur maqué à la "chienne shampooineuse" Marilou, qui finira fou au fond d'une clinique neuro psychiatrique avec le lapin de Playboy comme seule compagnie, lui rongeant la cervelle et les neurones... Gai n'est ce pas ?
Cependant l'amour des critiques ne suffit plus à Gainsbourg, il veut enfin, et réellement connaître le succès commercial sous son seul nom (bon... Sea, Sex and Sun ne compte pas, d'accord ?).
Il pense d'abord, dans l'air du temps, à enregistrer un disque de punk, idée venant notamment de la fréquentation des "p'tits gars" de Bijou, mais Philippe Lerichomme a une meilleure idée: s'envoler pour Kingston, Jamaïque, et faire du reggae avec la crème des rastas.
Serge est séduit, d'autant qu'aucun français ne s'était sérieusement aventuré sur la piste reggae (lui ne l'a fait qu'une fois auparavant, dans le cadre informel de l'exercice de style "Marilou Reggae" sur L'Homme à Tête de Chou). Les deux s'envolent donc pour la Jamaïque au début de 1979, afin d'enregistrer en douze jours son quatorzième album studio, en rupture totale avec son travail déjà existant.
Lerichomme, avec l'aide de Chris Blackwell d'Island, a requis les meilleurs musiciens de l'île, Robbie Shakespeare, bass guitar, Sly Dunbar, drums, mais aussi les choristes de Marley (dont fait partie sa femme d'alors, Rita), les I Threes.
Serge et Philippe sont assez décontenancés par l'ambiance jamaïcaine, méprisant ce blanc européen venu, comme les Stones ou Elton John avant lui, déshonorer leur musique nationale, les musiciens appliquent l'adage du rien-à-foutre, "take the money and run". Cependant Gainsbourg saura impressionner les tenaces rastas, notamment en révélant qu'il est l'auteur du succès international "Je T'Aime Moi non Plus", en duo avec sa compagne Jane B. . Les jamaïcains ne le lâcheront plus pour un moment, ils joueront même ensemble pour le premier vrai concert de Serge depuis 16 ans, au Palace en 1980, puis dans la tournée qui suivra.
Gainsbourg arrive un peu les mains dans les poches aux studios Dynamic Sounds de Kingston. Ouais il a quelques idées de reprises, la Javanaise, Vieille Canaille, chanson de son enfance... Mais aussi et surtout une Marseillaise arrangée reggae. Enfin, à part ça, vide, néant.
Car ce n'est qu'au bout d'une nuit fiévreuse à l'hôtel qu'il élaborera et finalisera les textes d'Aux Armes et Cætera (référence à cet hôtel dans "Les Locataires" où il décrit un lieu crade, loin du luxe de ses habituels palaces parisiens). Lerichomme dit avoir laissé Gainsbourg le soir avec neuf feuilles blanches sur son lit, le lendemain toutes étaient couvertes de graffitis gainsbouriens.
Aux Armes et Cætera est le premier réel succès de Serge Gainsbourg en tant qu'album. Le LP paraît le 13 mars 1979 sous une sublime pochette signée Lord Snowdon, ancien mari de la princesse Margaret, sœur de la reine Elisabeth II.
Succès immédiat, notamment dû à sa reprise de la Marseillaise, qui provoquera scandales et fureur dans la conservatrice droite française ("On n'a pas le Con d'être aussi Droit!"; "Je suis un insoumis!"), mais arrivera à conquérir le seul public dont Gainsbourg cherche l'estime, les jeunes. C'est son premier disque d'or, qui deviendra platine par la suite.
Nous avons donc affaire à un disque de reggae, parfaitement calibré et très bien joué et réalisé, quoiqu'un peu répétitif peut être, sans que cela n'entame le plaisir de l'écoute. On sent une réelle sensation de jetlag, de fatigue et de dépaysement, comme un air de vacances improvisées à l'autre bout du monde.
Gainsbourg s'envole vers le succès, et il y laissera Jane et surtout lui-même pour Gainsbarre, Bambou et les blanches années 80. Il réitèrera l'expérience reggae une fois, en 1981, pour Mauvaises Nouvelles des Etoiles (titre d'un dessin de Paul Klee, dont le propriétaire est ... notre ami Gainsbarre), assez réussi mais sonnant un peu redite et dépressif, mais bon il avait de quoi...
Ce semi-échec le poussera à (encore) évoluer, à travers de Love On The Beat.
"La beauté cachée des laids, des laids, se voit sans délai, délai" (Des Laids Des Laids)
Créée
le 21 juin 2022
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