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Ce n'est pas comme s'il sortait de nulle part. Le choc musical Streets of Rage avait été annoncé aux plus attentifs au moyen d'incidences synthétiques hors normes déposées ici ou là par le jeune Koshiro. Écoutez plutôt ceci, cela, ou encore. Pour une majorité stupéfaite, ceci dit, la claque est définitive. Le condensé house/dance/techno ici proposé transcende les genres et relance complètement la donne pour la musique de jeu vidéo.
Un tel miracle tient d'abord à l'élaboration méticuleuse de morceaux atteignant un degré de sophistication inouï sur consoles 16 bits. Jeux de rythmes et de basses complexes donnent le tournis tandis que des synthés plus aigus rivalisent de mordant pour monter immédiatement à la tête. La moindre piste ressemble à un excès de zèle technoïde excrété par un passionné un peu trop enthousiaste, canalisé toutefois par un talent unique...
Yuzo ambitionne d'importer l'ambiance des clubs tendance house/hip-hop dans l'univers ultra-stéréotypé du street brawler - dont il approche d'ailleurs l'underground caractéristique plus adéquatement que n'importe-quel autre compositeur ayant officié dans le genre. Exit le chiptune générique sans lien thématique apparent avec le jeu, la pertinence d'un habillage musical prend ici tout son sens. Simulation de boites à rythmes et textures proches de celles prisées par les DJ sont ses armes pour mener ce défi personnel à bien. Autant dire qu'on le lui rendra bien : la musique de la série est toujours perçue comme l'une des plus fameuses et innovantes entendues dans un jeu ; l'accomplissement d'un médium encore bridé dans ses prétentions, en recherche constante d'outils et d'idées. Le génial musicien de Sega lui apporte les deux, s'étant fendu pour la cause de la création d'un langage de programmation audio original à partir des restes du processeur PC-88 déjà écumé plus que de raison.
A l'allumage de la machine, les ennuis commencent très vite. Avant même le menu principal il y a de quoi chopper la puce à l'oreille. Planant et plutôt lent, "The Street of Rage" amène dès la séquence introductive une notion de vertige, qu'elle soit due à sa mélodie haut-perchée ou aux gratte-ciels tapissant l'horizon nocturne. Une fois propulsé dans les rues chaudes de la métropole, le bien-nommé "Fighting in the Street" dispense une frénésie qui donnerait presque assez d'élan pour boucler l'entreprise dans la foulée !
Mais déjà de grandes choses se préparent comme le démentiel "Moon Beach" auquel il ne manquait pas beaucoup - quelque campagne TV assourdissante tout au plus - pour se faire tube international de l'été 91. Que celui qui parvient écouter ce morceau sans que sa nuque ne se mette à marquer un tempo à son insu s'avance !
Avez-vous bien écouté "Dilapidated Town" ? Les canaux qui la composent regorgent d'excentricités sonores telles ces modulations graves à peine audibles dans les premiers instants... L'ensemble est si riche et saisissant qu'un casque n'est pas de trop pour en juger.
Parvenu au terme de la virée sanglante, "The Last Soul" apparaît peut-être comme le joyau de cette couronne technoïsante. Mélancolique dans la fureur, il touche d'abord d'une manière inattendue, comme un signal du jugement dernier, avant de retrouver une énergie plus familière.
Cette critique couvrant l'apport artistique de la série dans son ensemble, impossible de ne pas revenir un instant sur le mythe SoR2. Bien que j'aurais tendance à favoriser d'une micro-coudée la première version du classique de la mandale, le rejeton a de quoi faire valoir son statut de classique indémodable à part entière. Le bouchon est poussé, écrasé, pulvérisé sans impression de surenchère désagréable, une gageure. Sorte de boucherie paroxysmique, "Never Return Alive" concentre à lui seul toute la puissance électronique d'un Koshiro en état de transe...
Formidable pavé dans la marre parfois vaseuse d'une industrie consensuelle, situé quelque-part entre mix intuitif et partition millimétrée, Streets est un chef-d’œuvre à même de tenir tête à n'importe-quel dancefloor d'hier ou d'aujourd'hui.
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Créée
le 24 août 2013
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