Je ne m'attarderais pas sur l'histoire derrière le choix du nom de l'album qui devait se nommer Carter6. Les fans savent, les autres allez vous renseigner. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'il est devenu Barter 6 suite à la désapprobation de Lil Wayne. Pour faire simple...
Maintenant que la décennie 2010 est terminée, il est plus facile de faire le point et de voir certains des éléments les plus importants qui l'ont marquée: Après Gucci Mane, TI et Young Jeezy, qui ont laissé un héritage considérable la décennie précédente, je dirai qu'à part le Chief Keef de Chicago, ce sont surtout Future et Young Thug qui ont influencé et transformé le Rap/Trap au cours de ces 10 dernières années (et ce malgré et bien plus que les chefs-d'œuvre de Kendrick Lamar).
Il est quand même important de souligner que sans André 3000, Kanye West ou Lil Wayne, l'extravagance et les mélodies présentes dans le rap en particulier n'auraient peut-être pas existé.
Quand il est arrivé avec ses premières mixtapes, la trilogie "I Came from Nothing" (2011-2012), Thugger ressemblait à une pâle copie de Weezy et ce n'est qu'en 2013 qu'il s'est vraiment démarqué. C'est sur "1017 Thug" qu'il a commencé à développer sa formule, notamment avec des bangers comme "2 Cups Stuffed" ou "Picacho", lorsqu'il a été pris sous l'aile du légendaire Gucci Mane. Alors que son buzz commençait à grandir, c'était au tour de Birdman de voir un énorme potentiel en lui. C'est alors que Thug a rejoint l'équipe de Rich Gang, dont Rich Homie Quan, avec qui il formera l'un des duos les plus sensationnels de l'histoire du rap contemporain. C'est simple, l'année 2014 définira le moment où Young Thug deviendra Young Thug.
Mais rien ne m'avait préparé à ce que j'allais ressentir avec la sortie en avril 2015
BARTER 6
"Constantly Hating" est une intro complètement inattendue sur une prod minimaliste d'un Wheezy qui va se partager (quasi) tous les titres de B6 avec London On Da Track.
Thug avec son flow lent est déjà entre le chant et le Rap. Birdman est peut-être assez inoffensif, reste que voilà une intro remarquable.
Va suivre un lot de chansons plus incroyables et addictives les unes des autres.
"With That" et ce clavier en intro est renversant.
London On Da Track livre une instru irrésistible. le refrain, inoubliable, Thugger (accompagné de Duke) et son rap agressif soulève l'auditeur pour un banger unique et mémorable
"Hundred bands, hundred bands
Dropped on the head of any nigga want it, man (Woo)
Pop me a Xanny, I'm fast
I'm so fast, I'm so faster than Sonic, man (Woo)"
Trio sensationnel sur "Can't tell", Thug invite T.I. et Boosie Badazz sur un titre de 6 min qui en parait la moitié tellement tout est fluide. London et sa caisse claire excelle, T.I. et Boosie livre chacun un couplet sans fausse note, Jeffery noyés sous des ad-libs fous impressionne a chaque changement de flow.
"Check" est le single incontestable de B6. Chef d'œuvre en tout point, London transforme sa prod en évidence, Thug montre avec accessibilité toutes ses qualités de l'époque avec une pointe de mélancolie. Séduction.
Wheezy est de retour avec "Never Had It" et le ciel s'assombrit sur une trompette étonnante en ouverture et une prod menaçante. Young Dolph accompagne un Thug constamment accrocheur avec cette fois un flux plus rapide.
"Dream" ft Yak Gotti est hypnotique, Thug alterne, vocalement, grave et aigu avec une juste mesure, maturité. Gotti semble complètement perché, hilarant.
Duke revient sur une énième prod obscur mais subtilement sobre de Wheezy avec "Dome". Encore un titre fou où Jeffery touche en plein cœur de part sa créativité vocale.
"Halftime" est pour moi un magnifique résumé de ce fascinant Young Thug de 2015. Tout y est résumé. Grâce au très discret Kip Hilson et une prod Trap finalement assez classique mais doté d'une boucle de cordes pincées irrésistible, Thugger ose tout. Il murmure, rap, chante et pousse des cris plaintifs redéfinissant les codes de la performance vocale dans le Rap. Chanson culte.
Jacquees est invité sur "Amazing". Une intro post RnB chantée, quelques vers de la voix douce de l'invité et le ton devient plus agressif et emballant pour finir en roue libre.
Birdman revient avec le titre mafieux, "Knocked off". Ricky Racks et Wheezy font la paire et Thug lâche des ad-libs hilarants.
La fin de Barter 6 est proche et les 3 derniers titres ont cette sensation. "OD" est triste, le sujet l'est, l'instru l'est aussi avec une certaine profondeur. C'est le seul morceau où Thug semble vraiment conscient de ses paroles.
London revient pour un titre déchirant musicalement et vocalement. Les touches de piano, l'orage qui grondent, les ad-libs, le chant de Thug, tout est saisissant dans "Numbers".
Puis "Just Might Be" vient clôturer cet incroyable album. Le dernier acte, virtuose et obsédant magnifiquement mis en scène par Wheezy est un sommet du genre. Thug délivre avec un flux ultra rapide, le temps est suspendu, nous sommes en lévitation jusqu'à ce que le volume diminue peu à peu, encore bouleversé d'avoir été témoin de l'écriture d'un nouveau chapitre dans l'histoire du Hip-Hop.
Vous connaissez cette sensation quand vous sortez du cinéma après avoir vu un de vos films préférés? Vous ne pensez qu'à ça, vous voulez en parler, vous voulez y retourner, pour mieux comprendre, pour retrouver ces émotions qui vous ont submergés. A la première écoute, Barter 6 a produit sur moi cet effet. Réellement.
Young Thug à ce moment là m'a obsédé. Sur BARTER 6, son chant et ses excentricités m'on fait penser à Van Gogh. Pris au dépourvu par un style non conventionnel, l'impact des 2 artistes se ressemblent, croyez moi.
Barter 6 est mon préféré de Thugger parce que c'est le début d'une nouvelle ère pour moi.
Parce qu'il s'y trouve une multitude de moments vocaux impressionnants - les ad libs maniaques de Thug, ses gazouillis et grincements, ses punchlines et métaphores hilarantes et souvent bien senties, ses observations inhabituelles et ses confessions choquantes.
C'est un projet qui pousse à la ré-écoute, indéfiniment. Ce qui peut ne pas être lisible à première vue se révèle patiemment au fil du temps.
Sa folie et son imagination sont bien dosées, tout ne part pas dans tous les sens et ce grâce aux productions pour la plupart mémorables. Toutes débordantes de créativités mais paradoxalement sobre, leur pouvoir est dans les subtilités des sonorités et les rythmes séduisants.
En 2015, Young Thug n'avait plus rien à envier à Lil Wayne, dans le sens où il avait enfin trouvé sa propre identité et son caractère. En sortant Barter 6, Thugger a réussi à sortir à la fois l'album de sa consécration mais surtout un album qui restera à jamais un classique du Hip Hop / Rap.
B6 est l'album qui résume au mieux, la première partie de la carrière de Young Thug que j'appellerai de 2013 à 2016, tout en insistant déjà sur les aspects futurs que l'on peut trouver dans le Thug d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'ouverture musicale et l'expérimentation.
Il faut imaginer que des multitudes d'idées de toutes sortes émergent dans son cerveau, Young Thug est un rappeur très instinctif qui utilise la spontanéité et l'extravagance dans sa musique pour la rendre très imprévisible, très originale et très amusante.Sa polyvalence est aussi l'une de ses marques de fabrique, ce qui lui permettra de briser les limites de l'imagination et les règles qui ont ensuite été définis dans le rap pour faire quelque chose qui vous surprendra constamment.
Là où c'est vraiment fort, c'est que Young Thug a réussi, grâce à son talent, à mettre en place quelques formules de base qui permettent à toutes ses idées de s'emboîter de manière cohérente plutôt que d'être diluées dans quelque chose qui n'a ni tête ni queue.
Je me souviens vraiment que bien que j'ai aimé Barter 6 dès le début mais j'avais du mal à comprendre sa musique et il m'a fallu beaucoup d'écoute pour la comprendre.
Young Thug a fait tellement d'enfants que lorsque vous ré-écoutez B6, vous comprenez que la formule et les techniques de Thug sont devenues la base!
Rien n'a perdu de sa valeur aujourd'hui quand j'écoute à nouveau ce chef-dœuvre, au contraire c'est encore mieux. C'est un album qui résistera à l'épreuve du temps, d'abord à cause des bases établies, mais aussi parce que la production et l'interprétation sont incroyablement stratosphériques. Il y a toute cette sophistication et cette complexité que l'on ne ressent pas forcément quand on n'y prête pas attention, ce qui en fait un album, en fait, raffiné et particulièrement méticuleux.
Un ensemble de petits détails qui transforma la Trap brut en quelque chose que j'appellerais aujourd'hui, l'"Art Trap" (et oui j'ai osé).
9/10