BBH75 a marqué l'histoire de la musique française. Il s'agit en effet du premier
album de rock abandonnant la pop ou le psychédélisme ambiant pour se lancer dans
le (proto-)punk. Et c’est Jacques Higelin qui le signe, dont le début de
carrière n’annonçait pourtant pas cette direction, puisque ses albums précédents
relevaient plutôt de la chanson, avec un côté expérimental toutefois. Mais
l’homme aime les métamorphoses et tourne depuis quelques années sur les scènes
rock de France et d’outre-Manche, notamment avec les Pretty Things. L’énergie
des concerts se retrouve sur l’album, écrit à quatre mains avec le guitariste
Simon Boissezon (un des B de BBH), dont les guitares stridentes et saturées
inspirent au batteur Charles Benarroch (l’autre B) de percutants morceaux de
bravoure et à Higelin des textes noirs et violents. Les personnages décrits sont
des laissés pour compte, des marginaux (accentués par la crise économique de
1973), drogués, prostituées, piliers de bars et autres bastonneurs. La voix
d’Higelin est agressive, souvent proche du cri. Sur huit titres, deux sont
néanmoins proches du style folk-blues des débuts : “Cigarette” et “Une Mouche
Sur Ma Bouche”. Avec une écriture théâtrale, “Mona Lisa Klaxon” est également un
peu à part. Cette chanson et “Paris New-York, N.Y. Paris” sont les deux chefs
d’œuvre du disque, qui resteront toujours au programme des concerts.
Globalement, cette première incursion dans le rock est un coup de maître, qui
infléchira non seulement la carrière d’Higelin, mais aussi l’ensemble du rock
français, en semant les graines de groupes tels que Bijou, Téléphone,
Starshooter ou encore Alain Bashung.