Beggars Banquet est généralement vu comme un des meilleurs albums des Rolling Stones. Et je suppose qu'il doit y avoir quelques raisons pour cela. Bien que je n'arrive pas vraiment pas les comprendre totalement...
Une chose est sure, l'album marque une véritable rupture. Ayant un peu oublié le style des premières années influencés par le Rhythm and Blues, le groupe avait erré dans les recoins égarés de la pop pure et dure (Between the Buttons), puis suivi le chemin logique mais sinueux des grandes hauteurs psychédéliques emprunté par tout bon groupe de l'époque qui voulait faire comme les Beatles. (Their Satanic Majesties Request). Mais un jour, il se rendit compte qu'il était un peu paumé. Alors les membres décidèrent que non, il fallait retoucher terre, et s'écrièrent "Bon, on arrête les conneries ! Au chiotte toute cette merde psychédélique, On enregistre du bon vieux blues bien sale maintenant !" ce qui est une idée par ailleurs parfaitement illustré sur la pochette. Et le groupe ne s'arrêta pas au blues, mais mélangera les genres, pour se construire une identité propre et forte, et inventera en quelque sorte le hard rock, même s'il faudra attendre un Led Zeppelin pour compléter tout cela. Oui, je sais, faites écouter cet album à une personne neutre, elle rira sans doute si vous lui dites "Ceci est du Hard Rock", mais je persiste, si "Street Fighting Man" n'est pas le balbutiement du genre, j'autorise à ce qu'on m'éclate la gueule avec une batte de baseball.
Ainsi Beggars Banquet est considéré comme le premier album de "l'âge d'or" des Rolling Stones, qui durera jusqu'à 1972. Stylistiquement, le choix de ce point comme tournant dans leur carrière se comprend très bien. Cependant, qualitativement, quand les disques précédents restaient très bons malgré un certain exotisme par rapport à leur véritable style, je ne vois pas vraiment de différence. J'ai limite plus de mal avec cet album qui est resté assez longtemps un de mes principaux obstacles pour considérer Rolling Stones comme un des meilleurs groupes des sixties/seventies. Un obstacle, du moins jusqu'au jour où j'ai découvert "Exile On Main Street".
Et pourtant, Sympathy For The Devil est juste à tomber par terre ! L'instrumentation est époustouflante, et le tout transmet une énergie phénoménale sans être fondé uniquement sur de la guitare hyper amplifié/saturé. Mais après ? "No Expectations", est okay, "Dear Doctor" est de la country plutôt basique et "Parachute Woman" est euh... ben, du blues bien sale, sans valeur ajouté. "Jig-Saw Puzzle" se démarque par sa longueur et son style rappelant les longues suites de Bob Dylan. Maintenant musicalement, il est très sympathique, mais reste plutôt monotone. J'ai toujours l'impression que le refrain appelle quelque chose sans jamais l'atteindre, et c'est très frustrant. Peut-être pas autant que "The Lantern" sur l'album précédent qui coupait à chaque fois son climax sans l'atteindre, mais quand même. Heureusement, la seconde face est là, avec des "Street Fighting Man" ravageurs, des "Stray Cat Blues" dévastateurs, et la fermeture assez épique de l'album "Salt Of The Earth". Je n'ai jamais remarqué les deux autres chansons, mais ces trois là sont à mon goût, avec Sympathy For The Devil, la seule raison d'être d'un album assez inégal lorsque pris comme un tout.
Heureusement, Let It Bleed gagnera en consistance, confirmera les meilleurs aspects de cet album, loin d'être mauvais, et justifiera la place des Rolling Stones au Panthéon des meilleurs groupes de rock !