Belleville Piano

La bande-originale du film Belleville Tokyo est composée par l’artiste polymorphe Bertrand Burgalat (chanteur, musicien, arrangeur, producteur, patron d’un label de musique indépendante). A la période de tournage du film, il a déjà sorti quatre albums studio édités par son label Tricatel, dont les deux derniers publiés en 2007 : Inédits et Chéri B.B. En 2009, il est nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le Ministère de la Culture.
Belleville Tokyo est la troisième bande-originale pour long-métrage que compose Burgalat après Quadrille (1997) et Palais Royal ! (2005) de et avec Valérie Lemercier, son ex-compagne. Il s’agit donc de la première composition qu’il réalise pour une autre cinéaste que Lemercier. Si Élise Girard lui est inconnue, le couple à l’écran Valérie Donzelli – Jérémie Elkaïm lui est beaucoup moins, puisqu’il a collaboré à deux reprises pour leurs courts-métrages : Il fait beau dans la plus belle ville du monde réalisé par Valérie Donzelli en 2008, et Manu réalisé par Jérémie Elkaïm en 2010. Burgalat apparaît également dans les remerciements du générique du premier long-métrage de Donzelli, La Reine des pommes sorti en 2009. Anecdote pour finir : Bertrand Burgalat apparaît dans Belleville Tokyo, environ vers 10 minutes après le début du film, crédité en tant que « Concierge ».
La bande-originale est composée de 8 titres d’une durée totale de 10 minutes et 23 secondes. La réalisatrice a expliqué vouloir assez peu de musique. La durée du film (1h12) justifie également une B.O. aussi courte. C’est une composition vraisemblablement entièrement jouée par Bertrand Burgalat, vu le nombre limité d’instruments utilisés et dont l’enregistrement a du se dérouler en studio.

Bertrand Burgalat compose une bande originale intimiste, créant l’ambiance du drame romantique d’appartement qu’est Belleville Tokyo dès son générique de début, avec un piano électronique donnant beaucoup de réverbération et apportant du liant à chacune des notes et un cymbalum, les deux instruments à cordes contribuant à créer la petite mélodie d’un couple fragile. Le piano rythmera toute la bande-originale et malgré la brièveté des partitions, parvient à la fois à sonder l’intériorité des personnages, notamment sur Une femme à sa fenêtre d’une langueur monotone accompagnant le spleen de Marie ; et à donner une teinte mélancolique à l’automne (Octobre, Décembre). Avec Filature, les notes de piano d’abord suspendues, coulent ensuite comme les larmes de Marie dans un Paris pluvieux. Le générique de fin se rapproche enfin du style musical de Burgalat en particulier de son travail avec le groupe A.S Dragon (l’album live Bertrand Burgalat Meets A.S Dragon sorti en 2003). La voix flottante presque vaporeuse de Burgalat (que l’on peut déjà entendre sur Ma rencontre par exemple) surplombe le piano, désormais accompagné d’une basse et d’une batterie, puis se lie harmonieusement avec un mixage déployant de larges nappes sonores pour créer un ensemble planant, réconfortant en ce qui concerne l’avenir de Marie.
Bertrand Burgalat signe une bande-originale qui représente plutôt bien sa sensibilité d’artiste : discrète mais singulière. Il sublime la dépression amoureuse (surtout dans les deux derniers morceaux) et apporte une certaine finesse à Belleville Tokyo, petit film touchant, mais maladroit.

Ma critique du film réalisé par Élise Girard