Over and over put it on replay 'til you're insane

Qu'il eût été simple pour Aguilera de capitaliser sur le succès critique de son album précédent et de fermer à double tour les portes de sa prison vintage, dans laquelle elle aurait fini, à plus ou moins court terme, par tourner en rond. C'est ce que font la plupart de ses congénères : elles trouvent un filon dans lequel elles marchent et l'exploitent jusqu'à épuisement du public.

Mais pas Christina Aguilera. Pour cet album, bye bye le rétro glamour : la chanteuse quitte son ambiance sépia et ses jupes fourreau de pinup pour nous embarquer dans un univers froid, métallique, futuriste, dans lequel sa voix (pourtant marque de fabrique) est métallisée et l'amour, accessoirisé.
Le public est dérouté, choqué même par cette esthétique crue et ouvertement sexuelle. Et pourtant, si porno il y a dans cet album, c'est avec un chic et un soin dont ne se s'embarrassent plus les poputes à l'heure actuelle (coucou Miley, Rihanna et autres Gaga).

De là à dire que cet album était un peu en avance, il n'y a qu'un pas que l'on franchit aisément en regardant la liste des collaborateurs : Nicki Minaj (récupérée par Madonna par la suite), MIA (idem) et Sia Furler (incontournable depuis 2013). Autant de noms qui n'avaient pas encore l'évidence qu'on leur prête aujourd'hui.
"Tonight I'm not the same girl", annonçait-elle dans le single de lancement, "Not Mylself Tonight" (parmi les titres les plus faibles de l'album) et il faudrait presque la prendre au mot tant certaines chansons surprennent, à l'instar de "Bionic" (magnifique ouverture agressive et vocodée que l'on reçoit comme un uppercut), "Elastic Love" et "Woohoo". Comme un sprint, ces titres sont groupés en début d'album. Puis la vague retombe, et l'on retrouve une Aguilera plus connue, plus diva : "I Am", "All I Need" ou la magnifique "You Lost Me" sont autant de très beaux titres intimistes et pures qui confirment qu'Aguilera a une carte à jouer dans un registre sobre, loin du bain de boue à buzz où se traînent nombre de chanteuses actuelles.

BIONIC est donc un album à deux têtes -surprenant et classique, agressif et doux, sexuel et sensuel- sur lequel Christina Aguilera fait preuve d'audace et de maîtrise. Injustement boudé à sa sortie pour son ton, il mérite aujourd'hui (alors que le public en a vu bien d'autres) d'être réécouté et apprécié à sa juste mesure.