FOXCATCHER, un film animal et corporel
Derrière l’académisme de sa mise en scène et la froideur des dialogues, FOXCATCHER installe qui véritable tension qui, palpable sans être frontale, se tisse, gonfle puis explose lors d’un final que le réalisateur a le bon goût de ne pas appuyer. Son film, ce n’est pas celle d’un crime, c’est celle d’une relation toxique, et c’est pourquoi il rejette en bloc tous les éléments périphériques qui pourraient le justifier : pas de procès, pas de rapports des experts. Ce meurtre n’est pas l’acte inexplicable d’un fou, il est la détonation d’un élastique qui claque. La tension, encore et toujours.
Elle se manifeste dès les premières secondes, dans les yeux d’un Channing Tatum qui réinvente son rôle habituel de gros balourd pas très malin. Tout en intériorité, petite boule de solitude et de tristesse, il est l’avatar physique de la tension. Sa colère, sa frustration, ses joies même, se concentrent dans ses bras et ses poings : il écrase, il frappe, il étreint. Véritable animal perpétuellement filmé sous l’angle du corps et du contact, tout en souplesse et force, il est le premier à verser le sang de son frère. Les dés sont d’ores et déjà jetés.
Puis arrive Steve Carell, figure inquiétante et mystérieuse, ses petits yeux noirs fixes et cachés derrière un nez démesuré. Il est l’aigle autoproclamé, royal et patriote, les serres enfoncées au plus profond de ses proies. Pas d’explication ni de justification : il n’est que mégalomanie et aigreur, jalousie et fantasmes. Aidé par une musique toujours pertinente et une mise en scène froide, stupéfiante de présence, il glace par sa seule présence. Une tension psychologique qui happe le spectateur et rend le final inéluctable.
Au centre, véritable fléau entre les deux plateaux de la balance, se trouve Mark Ruffalo, impeccable. Paternaliste et responsable, mature et efficace, discret mais toujours là quand le besoin s’en fait sentir, il est l’homme dont les deux personnages précédant ont désespérément besoin mais qui les renvoie à leur propre échec. Il paiera.
FOXCATCHER est donc un film prenant, physique, froid. Une vraie réussite que l’on doit aussi bien à une mise en scène toujours maîtrisée, un scénario profond et des acteurs habités.