La postérité n’a pas été tendre avec Claude François. Mélomane exigeant et novateur (la première danseuse black à la télé française, c’est lui), il se résume aujourd’hui à quelques pas de danse bien arrosés en fin de soirée (« Barques sur le Nil ! ») et des costumes à brûler les rétines. Le père spirituel de Patrick Sébastien, en somme. Voilà qui est injuste et justifie que l’on regarde avec une relative bienveillance tout projet visant à moderniser son répertoire.
Dans le rôle du restaurateur d’oeuvres, Matt Pokora. Parce qu’il est blond et danse, parce que ses disques sont souvent épinglés pour leur futilité, il s’est imaginé en Bernard Frédéric de la scène française, digne successeur de Claude. Pourquoi pas. Mais encore aurait-il fallu ne pas réduire l’icône à sa permanente et ses vestes à strass pour s’intéresser véritablement à ses chansons. Ce qui n’est de toute évidence pas le cas ici.
Le principal souci de ce disque est donc tout simple : Pokora se fout de Claude François comme d’une guigne. Il ne puise dans ce dernier que l’occasion de se prétendre héritier d’un monument immortel ; adieu l’hommage, bonjour l’ego trip. Décoloré et sautillant, entouré de jolies danseuses (les MPs), il joue à Cloclo comme on joue à la maîtresse quand on a trois ans. Sans comprendre ce qu’on raconte. C’est ainsi que le jeune Matthieu né en 1981 peut sans ciller choisir CETTE ANNEE-LA comme single de lancement (« Cette année-là [1962], on s’en souvient », chante-t-il) ou ânonner des titres aussi personnels que 17 ANS ou ALEXANDRIE, ALEXANDRA. Il est toujours difficile, dans l’exercice de l’album de reprises, de s’approprier des textes cousus-main pour d’autres, et Pokora est loin d’être un interprète suffisamment subtil pour cette tâche.
Qu’importe, à l’instar de Claude François, le chanteur n’a pas bâti sa carrière sur ses octaves, mais sur ses chansons dansantes. Sauf que sur ce terrain également, le naufrage est aussi total que surprenant. Les reprises parviennent toutes, sans exception aucune, à être miraculeusement plus ringardes que leurs modèles. D’une pauvreté totale sur le plan musical et ponctué de gimmick risibles (Belindarladiladada ou Belles Belles Beurk : merci au vocoder !), l’ensemble est digne d’un album d’un boysband du tournant du millénaire.
Inutile de souligner le titre même choisi pour le disque : MY WAY, titre d’un flop converti en succès grâce à la voix d’un autre, comme un ultime doigt d’honneur à Cloclo qui ne méritait définitivement pas ça.