Grand fan de Rodeo qui est d'assez loin un de mes albums de "rap" (j'ai du mal à voir Travi$ comme un rappeur vu qu'il se définit pas comme tel) préférés, la nouvelle d'un successeur à peine un an après m'a plutôt ravi. D'autant plus que Pick Up The Phone, une collaboration avec Young Thug que tout le monde aura entendue puisque c'est un des plus gros tubes de 2016 à juste titre, m'avait conquise. Je me jette donc sur Birds in the Trap Sing Mcknight dès sa sortie et je me retrouve... très déçu. Des mois plus tard j'écris cette chronique quelques jours après avoir réécouté l'album, et je réalise à quel point je l'avais abordé de la mauvaise manière.


En un an il est impossible pour un artiste de composer, écrire et produire en plus de distribuer un projet parfaitement travaillé, détaillé ou sophistiqué. C'est pourtant ce que j'attendais de Birds in the Trap Sing Mcknight à tort, et c'est ce qui fait que j'ai mal reçu cet album spontané et énergique mais tout sauf narratif comme l'était Rodeo. Décontenancé, j'avais laissé le projet sur un coin de table malgré quelques morceaux attachants comme beibs in the trap ou through the late night (sans parler de Pick Up The Phone).


the ends (en minuscule dans la tracklist, je reviens là dessus plus tard) se présente comme une introduction qui pose les bases atmosphériques du projet qui sont complètement dans la même veine artistique que Rodeo. Le morceau comporte le gigantesque André3000, qui lâche un couplet au sommet du dynamisme, comme s'il décochait un crochet sur un ring à chaque phase, il ne peut que laisser l'auditeur K.O.
Travi$ nous récupère alors avec way back, très inspiré par Kanye West dans l'instru comme dans les flows et les paroles. Les samples vocaux donnent un attrait hip hop classique, qu'on retrouvait dans des morceaux comme Apple Pie dans Rodeo, ce qui le dégage un peu du reste de la tracklist, et c'est tant mieux.
coordinate se révèle cependant assez générique ensuite avec une instru à la DJ Mustard comme on en a entendu des centaines en 2015 (donc bon mi-2016 bof) mais c'est un creux qui nous permet dans un sens de prendre de l'élan avant l'intriguant through the late night.
Ce dernier est à la fois un hommage et une présentation du travail de Kid Cudi, qui se retrouve même omniprésent dans le morceau. Reprenant sa partie du Father Stretch My Hands de Kanye ainsi que son énorme tube Day N Night, on a là un patchwork qui malgré quelques défauts somme toute assumés (les pires paroles de 2016 avec "stroke my cactus" ou le décalage flagrant entre les "all through the late night" et le beat vers la fin du morceau sans oublier les gémissements au bord du cringe de Cudi) est particulièrement jouissif. Je peux plus m'empêcher de l'écouter en boucle.
Après ce banger qui tombe vite dans le plaisir coupable, quelques mélodies légères illuminent le silence qui précède le couplet/refrain de NAV comme des étoiles dans un ciel d'hiver. beibs in the trap ne comporte en effet pas Justin Bieber contrairement à ce que son titre indique. Travi$ Scott fait en fait référence à la cocaïne à travers la célébrité canadienne (merci Genius pour l'info). La track est un banger trap très inspiré et atmosphérique, elle nous plonge dans une salle remplie de fumée dans laquelle on sent juste des kicks faire vibrer tout notre corps.
sdp interlude rappelle 90210, avec la seule intervention féminine de l'album qui s'écarte de la route hip hop du reste du projet. L'instru est intrigante et difficile à cerner complètement à la première écoute. La fin du morceau, des phrases de Travi$ plongées dans un écho étourdissant, nous rapproche d'un état résultant de la consommation de plusieurs produits enchaînés.
La métaphore de la coke et le thème des drogues en général abordés par les deux morceaux précédents sont prolongés dans sweet sweet qui n'a pas de réel intérêt avant son dernier tiers qui s'envole dans ce que Travi$ sait faire de mieux, des synthés, des guitares et sa voix saturés et superposés.
Par contre, outside est un diamand brut (même pas correctement mixé vu que le master est constamment au delà de la limite de la saturation) hypant et mélancolique à la fois, Travi$ revient dans les meilleurs moments de Rodeo. Le morceau comporte même un couplet de 21 Savage (?!?!????!?) qui colle p a r f a i t e m e n t à l'ambiance non seulement du morceau, mais en plus de l'album.
On se prend ensuite le sommet de l'album en pleine face, soit goosebumps, qui ressemble beaucoup à un morceau abandonné de Rodeo que Travi$ a repris avec brio pour cet album-ci. Kendrick Lamar passe même comme si de rien n'était déposer un couplet qui tue (comme d'habitude) et repartir aussi vite, laissant l'auditeur dans un état similaire à celui qui suivait l'intervention d'André3000. Le morceau est à la hauteur de son titre (frissons en français).
first take nous accorde un repos bien mérité plus proche du RnB de l'Anti de Rihanna (auquel Travi$ a participé) que du rap. La particularité, et je m'en rend compte en faisant la comparaison ci dessus, c'est que Travi$ a invité un sosie vocal de Chris Brown dessus. Moment de génie: les dernières phrases du morceaux sont "if you just pick up the phone baby, i know you're home" et devinez quelle track suit...
M'étendre sur, vous l'aurez compris, Pick Up The Phone ne me semble pas utile au delà d'une invitation à foncer l'écouter si vous êtes passés à côté, c'est un immanquable de 2016. Ah oui et c'est évidemment la phase du couplet de Quavo qui donne à l'album son nom.
On approche de la fin de l'album et on hoche encore la tête sur lose qui a une instru piochant du côte d'Hudson Mohawke avec une goutte de trap d'Atlanta.
En parlant d'instrus, celle de guidance est la version idéale et aboutie de celle que Drake a choisi pour One Dance. Le groove et le bounce sont présents, l'emprunt au dancehall est aussi bon que lorsqu'il est exécuté par Diplo au sommet de Major Lazer.
L'album aurait pu se finir sur ce morceau et présenter wonderful, qui est un triste auto-plagiat de Oh My, comme une bonus track. Ce n'est pas le choix de Travi$ et j'avoue rester sur ma faim malgré la présence de The Weeknd qui est franchement superflue.


D'un point de vue global, Birds in the Trap Sing Mcknight est uni et logique. C'est un album fourni et long (un peu trop) qui a pour but clair d'être spontané, de donner une impression de tout juste sortir du studio pour arriver à nos oreilles. Les featurings ne sont pas mentionnés et les titres des morceaux sont en minuscule, comme si Travi$ n'avait même pas pris le temps de s'attarder sur la présentation de la tracklist. Le travail fourni cependant est colossal, particulièrement si l'on prend en compte le peu de temps pendant lequel il a été concentré. Malgré tout, l'album manque de ce que Rodeo comportait pour atteindre les sommets.
Aurait-il pour autant mérité de prendre plus de temps? Difficile de dire si des morceaux aussi jouissifs que faciles comme throught the late night seraient arrivés jusqu'à la tracklist finale, et ç'aurait été dommage de les oublier. Contrairement à ce que je pensais au premier abord ce projet a un charme fou, et mes craintes sur le fait que je n'apprécie que Rodeo et pas le travail complet de Travi$ Scott se dissipent.


Ma note ne peut cependant pas dépasser le 6/10, que je ne peux pas mettre sans prendre en compte mon amour fou pour le chef d'oeuvre qu'est Rodeo. (Un 9/10 facile de ma part)


Je reste patient et curieux de la direction que Travi$ Scott va prendre, tant il a un millier de possibilités toutes les plus fascinantes les unes que les autres. Il est au sommet et c'est mérité, à lui de voir comment il souhaite en profiter. Peace.

NaUti
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le 25 déc. 2016

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