D Smoke et le pouvoir de la communauté noire.

Enseignant du quartier d'Inglewood dans lequel il a grandi, D Smoke, frère du crooner R&B du camp TDE de Kendrick Lamar, SIR, est passé d'inconnu à rappeur gagnant de l'émission de téléréalité "Rhythm + Flow" sur Netflix. On pourrait penser que toute personne entrant dans le "Game" à partir d'une télévision commerciale perdrait instantanément le respect. Pas aux USA. Car la compétition Hip-Hop fraîchement renouvelée de Netflix, privilégie les capacités techniques par rapport au potentiel viral, récompensant les talents qui peuvent réellement rapper.

"Inglewood High", un EP réussi, fraîchement sorti après la victoire de cette fameuse émission, a laissé entrevoir tout le talent qui nous attendait à l'écoute de son premier album studio.

Soyons clair de suite, "Black Habits" atteint les niveaux de ce que vous attendez d'une première sortie grand public. Il a des bangers, des morceaux de rap conscients, des chansons d'amour, le tout tissé autour du Hip-Hop, de la soul, du jazz, du gospel, une dose d'espagnol, des vibrations acoustiques et des touches de synthé. Il y a irrésistiblement tout ce qu'il faut pour satisfaire tout type d'auditeur. Mais même si son travail est calculé, ce n'est pas vain. D Smoke met en valeur la maturité tout au long de l'album.
Le thème central de "Black Habits" est le pouvoir de la communauté noire. C'est à dire ses luttes, ses célébrations et ses desseins.
Son utilisation de l'image brille sur l'hommage à son père "Like My Daddy", décrivant les différents aspects de la vie que son père lui a enseigné, comme nouer des liens, comment se comporter avec les filles ou comment être un homme. Son rappel d'être reconnaissant pour la vie dans "Top of the Morning" est fort lyricalement. D Smoke utilise des expressions comme "enfant embrassé par le soleil" et "citoyens de couleur cannelle" pour honorer les variations des tons de peau noirs, et rappelle à plusieurs reprises et tout au long de l'album aux auditeurs noirs qu'ils sont beaux, forts et fiers. À l'unisson avec Jackie Gouche, D Smoke chante sur le titre "Black Habits I" des lignes comme "Black magic, Black excellence Black habitudes, ce médicament noir..." Niveau richesse noire, on peut difficilement faire plus.

Il y a beaucoup de choses sur ce projet, mais cela ne signifie pas qu'il atteint complètement la cible. La production, parfois classique, peut rendre les pistes fades et somnolentes si Smoke n'attire pas votre attention. C'est pour cela que comprendre l'anglais (et un peu l'espagnol) aide beaucoup car son écriture a son importance dans l'appréciation de "Black Habits".
D Smoke ne cache pas son objectif sur cet album; il délivre son message avec une telle vigueur et une telle puissance que vous voulez l'écouter. Et sa capacité à effectuer une transition parfaite entre l'anglais et l'espagnol ajoute une couche supplémentaire au projet qui met en évidence la communauté afro-latino qui est très nombreuses aux USA. Les commutations bilingues de Smoke ajoutent une arme unique à son arsenal.
"Black Habits" a quelques défauts ici et là, notamment l'impression à des moments d'entendre une copie de Kendrick Lamar mais la plupart du temps, il montre l'immense talent et la compétence de Smoke.

Avoir ces capacités serait-ce suffisant pour prédire une carrière solide? On verra.
Mais avec l'explosion de la "Latin'Music" aux US, un style de rap bilingue semble presque inévitable.
Si quelqu'un peut mettre cela en œuvre avec grâce et attention à la culture, c'est bien D.Smoke.
Levez-vous Inglewood; vous avez une nouvelle étoile.

7/10