Blue Monday (Single)
8.6
Blue Monday (Single)

Single de New Order (1983)

Comme toutes les chouettes histoires, celle-ci commence mal. Elle commence par la mort de Ian Curtis, le chanteur de Joy Division. Évidemment certains ne verseront pas de larmes mais mettez-vous dans vos personnages, bordel. Si vous faîtes pas d'effort, j'en fais pas. Donc, le groupe, bouleversé par la terrible pendaison de leur chanteur, décide que faire de la musique ensemble c'est quand même vachement cool, surtout depuis qu'ils sont débarrassé du dépressif de service, et qu'ils serait bon de continuer à en faire. Mais bon, il faut faire quelques changements. Du coup il décide de s'appeler New Order et embauche une fille pour jouer de la guitare ou du clavier je sais plus. La musique change un peu du coup. Summer est obligé de passer derrière le micro mais il n'a pas la présence ou le talent de Curtis, du coup ils préfèrent s'intéresser à la musique et évoluer vers quelque chose d'un tout petit peu plus léger.

Mais j'ai oublié de vous parler du plus important. Je vous parle du contexte. Et oui, dans une bonne histoire il ne faut jamais négligé le contexte. C'est important. Notez-le les enfants. La scène se déroule dans la bonne vieille ville industrielle de Manchester qui après 2000 ans d'ennui s'est pris dans la gueule la révolution punk et mettra pas mal d'année à revenir à la normale. La légende disait que l'ennui reviendrait quand la ville mettrait au monde deux immondes bâtards qui feraient de la britpop de supermarché. Malheureusement, la prophétie s'est réalisée. Mais entre temps, entre 1978 et 1992, la bonne vieille ville a vécu un peu plus de quinze ans de folie. Je passe sur les détails parce que ça va gâcher la suite de mon histoire. J'en reviens donc au groupe qui évolue dans une ville qui reprend son souffle après l'invasion d'une ribambelle de prolo qui beuglaient dans des micros sans savoir faire trois accords. Mais ce n'est pas fini. Pendant que tout le pays (hormis Londres) retombe dans sa profonde léthargie, Manchester découvre un truc super cool : l'acid.

Attention les enfants, la drogue c'est mal et il faut pas en prendre, sinon Maman va pas être contente. Mais bon, il faut croire que les gars de New Order et tous les autres gens cools de la ville ne semblent pas avoir eu de si bons conseils et ont préféré se gâcher la santé. Je retiens votre attention sur le fait qu'associer l'adjectif « cool » aux mecs de New Order qui, hormis Hookie, ressemble tous à des experts comptables ou des informaticiens, est plutôt osé. Ce qui était bien avec cette drogue, c'est qu'elle était fourni avec la musique qui allait avec : l'Acid House qui venait directement de deux autres célèbres villes industrielles : Detroit et Chicago. Tout le monde sait que pour qu'une drogue soit cool, il faut qu'elle ait sa musique, son logo, ses prophètes et même sa philosophie, qui en général ne change pas trop du style « Carpe Diem », « Fais tourner » ou « Est-ce que tu as vu la lumière ? ».

Donc le groupe, surement un soir de défonce en revenant de l'Haçienda, club mythique de la banlieue mancunienne, pas encore reconnu mondialement pour ses soirées légendaires, son patron mégalomaniaque et l'influent label (Factory) qui va avec, se met au boulot avec deux-trois petits papiers magiques dans la bouche et pond Blue Monday. Nous sommes en 1983, New Order vient de ridiculiser tous les groupes de la Terre avec une seule chanson. Je sais très bien que vous êtes en train de l'écouter maintenant et que vous allez trouver ça ringard. Faut dire que les synthés et le rythme à la batterie n'aident pas. Mais concentrez-vous sur la structure et mettez-vous en condition de l'époque. Vous êtes moches, défoncés à l'acid, vous ne jurez que par des groupes américains, vos compatriotes vous font pitié et vous découvrez une chanson à la rythmique diabolique et avec une basse bien ronde qui vient marteler vos oreilles comme personne ne vous l'avait jamais fait. Quel surprise quand vous entendez ce bon vieil accent de Manchester résonnait dans toute la salle du club. Et pourtant après deux secondes d'hésitation votre corps se remet à bouger frénétiquement. Vous courrez l'acheter dès le lendemain et découvrez alors la face B la plus cool du monde, The Beach, version remixée façon orgasmique du single. Et sans que vous vous en soyez rendu compte, un million d'abrutis se sont procurés le maxi. Les deux chansons seront mille fois repris et remixés par de nombreux artistes comme Orgy, les 2 Many DJ's, M.I.A. ou ces blaireaux de Nouvelle Vague.

A partir de là, pour Manchester, tout roule. La ville rentre dans son âge d'or et pendant toute une décennie et plus particulièrement durant son apogée, le second summer of love de 88, la ville est la capitale mondiale de la défonce, de la new wave, du post-punk, de la techno et du rock qui partouzent tous ensemble pour donner des groupes aussi bizarre que les Happy Mondays, les Stone Roses, Primal Scream, The Fall ou la moitié des DJ les plus cools de la planète (dont Laurent Garnier). C'est évidemment une deuxième drogue qui mettra fin au beau rêve, l'ecsatzy, chouette au début mais qui laissera une terrible gueule de bois à la ville, une amnésie passagère et un groupe que personne n'avait invité. New Order continuera son bonhomme de chemin en produisant du très bon (Low-Life, Power, Corruption and Lies) pour finir par produire dans les années 2000 deux bons albums : Waiting For The Sirens' Call en 2006 et Get Ready en 2001.

Vous voyez les enfants. Sous couvert d'une histoire mal torchée, je vous ai raconté un groupe, une ville et deux ou trois chansons qui ont profondément changé la vision du public envers la musique électronique qui passait du statut de truc bizarre pour branchouilles à la musique idéale pour les célébrations en groupe et les accouplements sauvages.

MrShuffle
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le 14 janv. 2024

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