Somme des contraires, farandole des opposés, aboutissement majeur et totalement unique d'un style identifiable entre tous. A partir de maintenant, d'aujourd'hui, le monde de Tom Waits lui appartiendra. Mais aucune raison pour lui de se priver de nous faire partager les clefs de son univers, à nous de trouver les bonnes serrures quitte à prendre dix piges pour le faire. Le matériel est à disposition, servez vous. Bone Machine c'est de la musique, très grande musique, en libre service.
Earth Died Screaming, par exemple, est un grand morceau de percussion et d'hurlements ivres tandis que Dirt in the Ground qui le suit peut, si l'on a pris un coup de trop, nous tirer les larmes. Et puis, si Tom Waits veut utiliser des nonosses comme percussions, qui l'en empêcherait? S'il souhaite modifier le son de ses micros tous les trois-quatre morceaux pour chambouler les atmosphères de ses récits et instaurer cette ambiance unique de bayou crade (The Ocean Doesn't Want Me) ou de vaudou déglingué (All Stripped Down), qui oserait lui dire non? Prendre la voix du Boss sur le magnifique Who Are You ou la voix du Boss mais cette fois-ci pété au bourbon sur Whistle Down the Wind? Et l'Americana, on en parle de Black Wings? Ou de la vieille machine rouillée qu'on essaie de faire marcher au son de percussions tribales (Let Me Get Up On It)? Et cette douce et paisible ballade qu'on imagine au coin du feu, en invitant Keith Richards poser sa guitare et ses chœurs (That Feeling), qui clôt avec magie Bone Machine, disque majeur issu des bas-fonds et s'élevant plus haut que nos cœurs.